LES BOUTONS-ENSEIGNES
UN GROUPE ORIGINAL D’ENSEIGNES RELIGIEUSES DES XVe ET XVIe SIÈCLES
par Simon CAHANIER*
Article paru dans Revue Mabillon, n. s. t. 18 (= t. 89), 2017, p. 173-215.
Les enseignes de pèlerinage médiévales demeurent des objets relativement mal connus et très peu étudiés
malgré les travaux, en France, de Denis Bruna qui a attiré l’attention sur elles en publiant le catalogue de la
collection d’enseignes du Musée national du Moyen Âge-Thermes et hôtel de Cluny et en proposant, dans
l’ouvrage issu de sa thèse, l’étude de synthèse qui faisait défaut1. Ses travaux s’inscrivent dans la
dynamique de publication, à partir des années 1980, des catalogues des grandes collections européennes
d’enseignes de pèlerinage en Allemagne, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne ou dans les pays scandinaves
2, qui a mis fin à la longue période de désintérêt et d’oubli ayant suivi les recherches des précurseurs du
XIXe siècle et du début du XXe, au premier rang desquels prend place Arthur Forgeais 3. Des découvertes
archéologiques plus récentes ont par ailleurs considérablement augmenté nos connaissances aussi bien du
point de vue des méthodes de fabrication, avec la fouille sur le Mont-Saint-Michel en 2004-2005 du
premier atelier de « faiseurs d’enseignes » connu, daté des XIVe et XVe siècles 4, que de celui des pratiques,
avec l’invention d’un ensemble d’enseignes datées du XIIIe au début du XVIe siècle, entre 1999 et 2003,
dans le lit de la rivière Sainte-Catherine à Valenciennes 5. On peut aussi rappeler la découverte plus
ponctuelle d’un moule pour des enseignes du Saint Suaire de Lirey à Machy (Aube), à quelques kilomètres
de la collégiale de Lirey, en 2009 6.
Or, si les enseignes de pèlerinage en alliage de plomb sont aujourd’hui relativement mieux connues, il en
va tout autrement d’une catégorie d’enseignes en bronze signalée dès le XIXe siècle : les boutons-enseignes.
Nous devons à Loïc Berton leur redécouverte dans les années 2000 ainsi que ce nom, attribué en raison de
la similitude, déjà soulignée par d’autres auteurs, que présente le système de fixation avec celui d’un
bouton. Malgré le précieux travail de référencement qu’il a mené jusqu’à son décès brutal en 2011, cette
catégorie particulière d’enseignes n’a encore fait l’objet d’aucune étude précise. Nous proposons dans le
présent article, pour combler ce manque, un premier état de la question.
Nous nous sommes appuyé pour cette étude sur un corpus de quatre cent douze boutons-enseignes réunis
au cours d’une veille informatique menée entre 2008 et avril 2017 et grâce à la bonne volonté de nombreux
collectionneurs qui nous ont adressé les photographies et les données des exemplaires en leur possession.
Ces renseignements (métrologie et, toutes les fois que cette information était disponible, lieu de
découverte) ont été introduits dans une base de données qui permet de les aborder de manière statistique.
En raison de la nature même des découvertes, le plus souvent fortuites et faites à l’aide de détecteurs de
métaux, le corpus est amené à augmenter régulièrement dans les années à venir.
Boutons ou enseignes ?
Les boutons-enseignes sont de petites plaques de métal de formes diverses, mesurant une trentaine de
millimètres de diamètre en général et portant un décor, presque toujours religieux, figuré en creux (fig. 1 et
2) 7.
Malgré l’identité du système de fixation, un anneau au revers permettant la fixation au tissu, les fonctions
des boutons-enseignes et des boutons ne sont pas comparables : en raison de leur taille et de la fragilité du
système d’attache, il est très peu probable que les boutons-enseignes aient pu servir de système de fixation.
Bien que ces « plaques 8 » aient été de façon très récurrente qualifiées « d’enseignes 9 », la comparaison
avec les boutons est cependant ancienne : Eugène Hucher affirme que « c’est littéralement un grand bouton
10 » et Adrien Blanchet rappelle que l’attache « a fait prendre ces objets pour des boutons »11. L. Berton a
particulièrement insisté sur cette similitude en donnant à ces objets le nom de « bouton-enseigne » qui rend
compte avec beaucoup de justesse de leur nature 12. Il est évident en effet qu’en dépit d’une fonction très
dissemblable ces deux catégories partagent un certain nombre de caractéristiques communes : taille réduite
des boutonsenseignes, plus proche de celle des boutons que des enseignes antérieures, forme géométrique
centrée et, surtout, anneau perpendiculaire fixé au dos en guise de système d’attache. Ces similitudes
1
témoignent vraisemblablement d’un phénomène d’adaptation technique : l’enseigne religieuse se serait
transforméeen adoptant les caractéristiques techniques du bouton, apparu au XIIIe siècle et dont l’usage et
la mode se répandent à la fin du XIVe et au cours du XVe siècle sur les vêtements, pourpoints ou jaques 13.
L’innovation dans le système d’attache, radicalement différent de celui des enseignes en plomb-étain,
constitue de fait l’élément le plus caractéristique de cet emprunt au domaine vestimentaire, d’autant plus
vraisemblable que ce sont peut-être les mêmes artisans qui sont responsables de la confection de l’une et
l’autre catégories d’objets. Cette pluralité des productions est en effet bien attestée pour les « bimbelotiers »
qui réalisaient les enseignes en plomb 14. Cependant, la comparaison s’arrête là : il n’y a que peu de rapport,
au-delà des aspects techniques, entre les boutons-enseignes et les boutons d’attache qui, sur les vêtements
du XIVe siècle, permettent de rapprocher les habits du corps et suscitent l’horreur des moralistes 15. Il est
ainsi peu probable que l’enseigne religieuse ait été concernée par la condamnation du bouton dans le texte
chartreux intitulé Treictié des nouvelletez dou monde : « lessiez donques, biau filz, le boutonnement, c’est a
dire la vaine gloire dou monde »16.
Si les techniques changent radicalement, la plupart des boutons-enseignes demeurent de fait très proches
des enseignes de pèlerinage médiévales en alliage de plomb. Tous les savants ou érudits qui ont eu affaire à
ces objets soutiennent qu’il s’agit d’enseignes et il n’y a pas lieu de remettre leur jugement en cause même
s’il est possible, comme nous le verrons, de préciser la nature de telles productions. L’iconographie, où
s’expriment bien souvent des continuités avec les enseignes en plomb, constitue le lien le plus évident entre
ces deux catégories d’objets de dévotion. Cela ne doit toutefois pas masquer l’originalité des boutonsenseignes qu’il convient de replacer dans un contexte plus large de diversification des petits objets de piété.
Les auteurs de la fin du XIXe et du début du XXe siècle datent les boutonsenseignes de la fin du XVe ou du
début du XVIe siècle ; cette datation n’a jamais été remise en cause et doit être retenue pour toute une série
de critères, notamment stylistiques et iconographiques, dont la liste pourrait être allongée17. Le style général
est tout d’abord très proche des gravures ou des estampes de la fin du XVe siècle, notamment des
illustrations des incunables ; certains costumes sont par ailleurs tout à fait typiques de la période. Plus
spécifiquement, certains types confirment ponctuellement cette approximation : les enseignes au Suaire de
Lirey-Chambéry présentent un style caractéristique de la seconde moitié du XVe siècle, quand la relique
commence à voyager hors de la collégiale de Lirey : il est marqué par la présence de trois personnages
mitrés exhibant le Suaire et non plus de deux. De plus, la découverte de plusieurs exemplaires dans la
région de Chambéry, sans être un argument absolu, suggère qu’ils datent de l’époque de la conservation du
Suaire dans cette ville, entre 1453 et 1562 18. La représentation de la Vierge des Sept Douleurs sur un
exemplaire correspond aux canons du début du XVIe siècle 19. L’iconographie de saint Fiacre s’approche de
celle des enseignes en plomb-étain les plus tardives que D. Bruna date du premier quart du XVIe siècle 20.
Un exemplaire représentant saint Bavon correspond enfin très probablement au sanctuaire de Saint-Bavon
de Gand et l’enseigne est donc sûrement antérieure à la destruction de l’abbaye en 1536. On peut donc
globalement dater les boutons-enseignes des années 1450-1550 au plus large, plus probablement du dernier
quart du XVe siècle et du premier quart du XVIe, une période de temps limitée qui correspond bien à
l’homogénéité stylistique de l’ensemble des types connus tout en étant suffisamment longue pour permettre
une importante diversité de modèles, la multiplicité des moules pour un même type et une diffusion assez
large 21. D’autres éléments, notamment la découverte d’exemplaires en contexte archéologique, devraient
permettre à l’avenir de confirmer et peut-être d’affiner cette estimation.
L’apparition et la diffusion des boutons-enseignes s’effectuent dans un contexte de grande évolution et de
diversification des petits objets de la piété personnelle : les enseignes en plomb-étain disparaissent peu à
peu (les plus récentes sont datables du tout début du XVIe siècle) mais laissent place à une profusion de
nouvelles formes telles les enseignes estampées sur de fines feuilles de métal et cousues dans les livres
d’heures qui se diffusent dans les années 1480-1490, les véroniques en parchemin ou en cuir datables des
alentours de 1500 ou encore les gravures qui se développent avec l’imprimerie à la fin du XVe siècle
22.Àcette liste de nouveaux supports de la piété populaire, il conviendra donc dorénavant d’ajouter les
boutons-enseignes.
2
FIG. 1. Échantillon de boutons-enseignes (le numéro affecté à chacun renvoie au catalogue de l’appendice). a : Michel (no 45, var. 1)
; b : Barbe (no 61) ; c : Jacques (no 37, var. 1) ; d : Hubert (no 36, var. 1) ; e : Vierge à l’Enfant (no 14) ; f : Suaire de Lirey-Chambéry
(no 8) ; g : Mathurin (no 44). © Simon Cahanier (dessins a-f) et Camille Bellenger (dessin g) / collection particulière.
FIG. 2. Échantillon de boutons-enseignes (l’échelle n’est pas respectée). a : Annonciation (no 2) ; b : André (no 23) ; c-d : Barbe (no
61) ; e : Vierge à l’Enfant (no 11) ; f : Armoiries (no 75) ; g : Saint Louis (no 41) ; h : Pierre (no 47) ; i : Julien de Vouvantes (no 39) ; j :
Notre Dame de Boulogne (no 19) ; k : Barbe et Nicolas (no 69). © C. Bellenger.
Un groupe original d’objets de dévotion
Une analyse de spectrométrie de fluorescence X, menée au Conservation laboratory du Musée de
Birmingham sur un exemplaire trouvé en Grande- Bretagne en 2013, a confirmé les intuitions anciennes en
montrant que le métal des boutons-enseignes est un alliage de cuivre à forte proportion d’étain, dit bronze
blanc, plus fusible que le bronze et très dur, qui présente une fois poli la qualité esthétique d’avoir un éclat
3
semblable à celui de l’argent 23. Un unique exemplaire en plomb-étain est connu mais il est impossible de
dire s’il s’agit d’un prototype assurant la transition entre les enseignes en alliage de plomb et les boutonsenseignes ou au contraire d’une imitation 24. Pour tous les boutons-enseignes à l’exception de celui-ci,
l’attache est en fer et adopte la forme d’un anneau perpendiculaire à l’enseigne pris dans le bronze lors de
la coulée ; en raison du haut degré de corrosion de la plupart des exemplaires, l’attache n’a été préservée
que dans quelques rares cas où l’état de conservation est exceptionnel. Ce système est selon D. Bruna
beaucoup plus rare que celui des anneaux de fixation ou de l’épingle, classiques pour les enseignes en
plomb-étain, ce qui distingue les boutonsenseignes 25. Il faut par ailleurs signaler que sept exemplaires
présentent la particularité d’avoir été percés ou découpés manifestement pour permettre de coudre le
bouton sur une étoffe : la rupture de l’attache était donc fréquente dès l’époque de circulation des enseignes
et devait en constituer le principal facteur de perte ou d’abandon de l’enseigne. Tous les boutons-enseignes
sont conçus selon un plan centré. Une classification stricte prenant en compte l’orientation de l’axe de
symétrie permet de distinguer quatorze formes distinctes plus ou moins fréquemment utilisées 26 :
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A : disque ; 160 exemplaires ;
B : octogone à bords concaves ; axe : sommet ; 182 exemplaires ;
C : octogone à bords concaves ; axe : côté ; 1 exemplaire ;
D : octogone à bords convexes ; axe : sommet ; 8 exemplaires ;
E : octogone à bords droits ; axe : sommet ; 5 exemplaires ;
F : octogone à bords droits ; axe : côté ; 5 exemplaires ;
G : losange ; axe : sommet ; 18 exemplaires ;
H : carré ; 1 exemplaire ;
I : hexagone ; axe : sommet ; 4 exemplaires ;
J : hexagone ; axe : côté ; 1 exemplaire ;
K : quadrilobe ; 2 exemplaires ;
L : écu ; 1 exemplaire ;
M : disque ajouré ; 1 exemplaire ;
N : hexagone à bords concaves ; 0 exemplaire.
FIG. 3. Répertoire des formes. © S. Cahanier.
L’écart est très net entre les formes A et B d’une part, les seules régulièrement utilisées (elles représentent
respectivement 38,83 %et 44,17 %soit, à elles seules, 83 %du corpus), et les autres qui sont rares (D et G),
voire très rares ou exceptionnelles. Certaines formes rares n’ont été utilisées que pour des sujets
iconographiques précis, ce qui pourrait être interprété comme l’indice d’une production particulière : il
s’agit des formes F et J pour saint Servais (numéro 52 du catalogue), J aussi pour sainte Hélène (numéro
63), K et L pour saint Nicolas (numéro 46), M pour sainte Barbe (numéro 61) 27.
En se fondant sur les méthodes de fabrication des enseignes en plombétain, L. Berton a proposé une
reconstitution du processus de fabrication des boutons-enseignes tout à fait vraisemblable. Étant donné
qu’aucun moule n’est connu pour ce type d’objet, contrairement aux enseignes proprement dites, il n’est
4
pas possible de dépasser ou nuancer ses arguments fondés sur l’observation des photographies des
exemplaires à sa disposition :
La gravure est très nette : soit elle était exécutée au burin par des gens très exercés, reproduisant très fidèlement un
modèle (reporté sur le bouton par un procédé quelconque), soit, et c’est plus réaliste, le bouton sortant du moule
comportait déjà le décor en filigrane, qu’il suffisait de « nettoyer » proprement au burin de graveur. L’examen de trois
boutons semblables [...] révèle que la composition générale est identique au moindre détail près. [...] Le moule (en
argile, en schiste ardoisier ou en calcaire ?) devait se composer d’une valve empreinte d’un prototype du bouton gravé.
L’autre valve, très plate, comportait seulement un léger évidement par où passait le fil de fer de l’annelet (le bronze
s’est parfois un peu échappé par cette fente) 28.
La dernière étape du travail consistait très certainement en un polissage : seule la face décorée était polie
pour obtenir un aspect argenté, tandis que l’arrière restait brut de coulée. Comme L. Berton l’a supposé, les
nombreux exemplaires d’un même modèle identiques au détail voire au défaut près prouvent que les
boutons-enseignes étaient produits en série à partir de moules réutilisables 29. L’examen des pièces de notre
corpus nous permet d’induire l’existence d’au moins deux cent vingt moules ; le plus productif d’entre eux,
un moule représentant saint Mathurin, a fourni dix exemplaires relevés, ce qui doit être considéré comme
un nombre minimum. Même si le métal et les techniques ont changé, le mode de production ne diffère donc
pas radicalement de celui des enseignes médiévales en plomb. En revanche, de nombreux caractères
originaux les distinguent : métal, variété des formes, système de fixation, gravure en creux, dimensions. La
fragilité de l’alliage ne suffit pas à expliquer le choix de petites dimensions, le plomb-étain étant lui-même
très fragile ; il est probablement lié aux rapports qu’entretiennent les boutons-enseignes avec les boutons
vestimentaires.Pour tous ces traits, les boutons-enseignes constituent un groupe particulièrement original
d’objets de dévotion.
Historique de la recherche
Si aucune étude générale des boutons-enseignes n’a été réalisée, plusieurs auteurs ont publié un nombre
plus ou moins important d’exemplaires et ont émis à cette occasion des hypothèses sur leur datation et leur
fonction. Un bref historique de la recherche nous permettra de mettre en évidence l’évolution de la place
accordée dans l’étude des enseignes religieuses à cette catégorie si particulière.
Les premiers exemplaires de boutons-enseignes répertoriés ont été découverts à Paris au milieu du XIXe
siècle lors des travaux de dragage de la Seine qui ont attiré l’attention de quelques savants sur les petits
objets de piété en général et sur les enseignes de pèlerinage en particulier. Ils ne sont alors pas distingués de
leurs précurseurs en plomb-étain bien identifiés par ailleurs et connus par les textes médiévaux. E. Hucher
en publie ainsi deux en 1853 mais ne reconnaît pas explicitement leur spécificité bien qu’il prétende
connaître d’autres exemplaires comparables : « J’en connais un assez grand nombre en lozange comme
celle [de sainte Barbe] ou circulaires comme celle de saint Julien »30. Il est le premier à dater ces objets de
la fin du XVe siècle ou du début du XVIe. Dix ans plus tard, A. Forgeais publie deux nouveaux exemplaires,
découverts en 1852 et 1858, sans les rapprocher entre eux et sans les distinguer des enseignes en plombétain 31. Louis Dancoisne est le premier, lorsqu’il publie en 1880 un exemplaire provenant du Pas-deCalais, à reconnaître explicitement l’originalité des boutons-enseignes par rapport aux enseignes de plomb :
« Il était cependant des enseignes d’un genre tout différent [...] » 32. Toutefois, la limitation de son corpus a
un individu unique ne lui permet pas d’émettre l’hypothèse qu’il est en présence d’un groupe inédit à part
entière. Ce n’est qu’au cours du premier quart du XXe siècle qu’une telle idée émerge, au moment où deux
auteurs, John Evans en Angleterre et A. Blanchet en France, rassemblent des collections qui leurs
permettent de mettre en avant la spécificité des boutons-enseignes. Ils publient respectivement en 1908 et
1923 deux importants articles intitulés « Notes on a Collection of Pilgrims’ Signs or Amulets » 33 et « Sur
une classe inédite d’enseignes de pèlerinage » 34. A. Blanchet décrit quatre exemplaires encore inédits :
Il existe une classe de petits monuments sur lesquels je désire appeler l’attention de la Société [nationale des
antiquaires de France]. Ce sont de petites plaques octogonales, dont les côtés sont formés par des segments de cercle et
dont les types apparaissent en creux. Au dos de ces plaques, il y a généralement un appendice de métal qui a fait
prendre ces objets pour des boutons. Le métal est un bronze plus ou moins blanchâtre. [...] La série que je vous signale
n’est pas nombreuse, peut-être parce que l’attention n’a pas encore été attirée sur ces petits monuments 35.
Il semble ignorer la collection de J. Evans publiée une quinzaine d’années plus tôt, réunie en près de trentecinq ans et comptant pas moins de vingtet- un exemplaires, décrite dans des termes quasiment identiques 36.
5
Ces deux auteurs posent les premières problématiques. Ils distinguent clairement les boutons-enseignes des
enseignes en plomb-étain qu’ils jugent plus anciennes et établissent la datation, comme E. Hucher avant
eux, sur la base de critères stylistiques. A. Blanchet conclut qu’on « peut les considérer presque sûrement
comme des enseignes de pèlerinage d’un type inédit jusqu’à ce jour »37. Parallèlement, d’autres rares
auteurs continuent de publier des exemplaires sans tenir compte de leur particularité 38.
Il faut souligner qu’au sein de cette tradition, J. Evans est le seul à faire référence aux travaux de ces
prédécesseurs 39, sans pour autant étudier spécifiquement les exemplaires qui n’appartiennent pas à sa
propre collection ; les travaux et les idées restent donc dans l’ensemble isolés et aucune synthèse n’est
proposée. L’étude des enseignes de pèlerinage en général est alors délaissée dans les décennies qui suivent
et les boutons-enseignes, trop rares pour véritablement susciter l’intérêt des chercheurs, sont complètement
oubliés.D. Bruna, qui apublié enFrance les premières études contemporaines sur les enseignes de
pèlerinage, ne les distingue pas plus des enseignes en plomb que les auteurs du XIXe siècle et se borne à
signaler, pour un exemplaire du Saint Suaire, qu’il s’agit d’une « enseigne de pèlerinage plus tardive [qu’un
exemplaireenplombdatéde1350-1453],enbronze » 40.
Il faut attendre le début des années 2000 pour que les boutons-enseignes attirent de nouveau l’attention, en
raison notamment du développement conjoint d’Internet et de l’usage des détecteurs de métaux qui ont
multiplié les découvertes et facilité leur diffusion. C’est à L. Berton que l’on doit le premier réel travail de
référencement publié dans une série d’articles entre 2003 et 2011. Dans une première synthèse parue en
2005, il référençait vingt-huit exemplaires pour dix-sept types ; dans son dernier article le catalogue avait
atteint cent dix-huit exemplaires pour quarante-sept types distincts, presque tous inédits 41 ! Son travail a
servi de base à notre étude, fondée, comme nous l’avons vu, sur un corpus beaucoup plus vaste (donc
abordable pour la première fois de manière statistique) de quatre cent douze exemplaires correspondant à
soixante-dix-sept types qu’il convient maintenant de présenter. De fait, l’interprétation que l’on peut
proposer de ces objets est indissociabledel’analysedeleur iconographie.
Typologie des sujets iconographiques
Inventaire des types
Les sujets représentés dans notre corpus sont toujours religieux à une exception près. Soixante-dix-sept
sujets iconographiques (ou « types ») ont été identifiés, que nous proposons de regrouper ci-dessous en
neuf catégories 42.
Ancien Testament (un type)
Christ
Vierge (treize types)
Saints et saintes
Adam et Ève (1)
scènes narratives (quatre types) : Annonciation (1), Nativité
(2), Crucifixion (16), Noli me tangere (3)
emblèmes (quatre types) : Exaltation de la Croix (2),
Monogramme IHS (5), Suaire de Lirey-Chambéry (23),
Sainte Face (3) (voir aussi Pietà)
six Vierges à l’enfant (1, 1, 1, 2, 2, 1), Vierge des sept
douleurs (1), Pietà accompagnée des Arma Christi (1),
Vierge en gloire (13), Notre Dame de Boulogne (6), Notre
Dame de Liesse (3), Notre Dame du Mont-Roland (1), Notre
Dame de la Poterie (identification incertaine ; 2)
saints (trente-sept types) : André (11), Antoine (10),
Bavon (1), Corneille (1), Charlemagne (1), Christophe (1),
Claude (12), Éloi (5), Étienne (1), Fiacre (4), François
d’Assise (1), Georges (5), Grégoire le Grand (1), Hubert (17),
Jacques le Majeur (7), Jean Baptiste (12), Julien de
Vouvantes (5), Julien l’Hospitalier (2), Louis IX (2), Mansuy
(2), Martin (1), Mathurin (40), Michel (11), Nicolas (18),
Pierre (3), Quentin (5), Quirin (2), Roch (3), Sébastien (9),
Servais (11), Simon (3), Thibaut (identification incertaine ;
1), cinq personnages indéterminés (5 × 1)
saintes (huit types) : Anne trinitaire (3), Barbe (71),
Catherine (4), Hélène (5), Marguerite (1), Syre (1),
Véronique (3), une sainte indéterminée (1)
plusieurs saints (sept types) : Barbe accompagnée de Jacques,
6
Types laïcs (un type)
Types indéfinissables (deux
types)
Nicolas, Sébastien ou la Vierge (1, 6, 1, 3), Hélène et la
Vierge (1), Pierre et Paul (1), Véronique, Pierre et Paul (1)
armoiries (1)
(1, 1)
Seuls quelques-uns de ces types sont très fréquents : Barbe est surreprésentée avec trente-sept moules
totalisant soixante et onze exemplaires où elle apparaît seule et six moules totalisant onze exemplaires où
elle apparaît associée à un autre personnage (soit 20 % du corpus total) ; loin derrière elle, Mathurin et le
Suaire de Lirey-Chambéry comptabilisent quarante et vingt-trois exemplaires pour seulement huit et six
moules respectivement ; la Crucifixion, la Vierge en gloire, André, Claude, Hubert, Jean Baptiste, Michel,
Nicolas et Servais ont livré entre dix et dix-huit exemplaires, mais le nombre de moules, souvent six ou
sept, ne dépasse jamais onze (la Crucifixion et Nicolas). Ces douze types totalisent 62 % du corpus et 52
%du total des moules répertoriés. À l’inverse, cinquante et un types ne sont connus que pour un moule et
trente-sept d’entre eux n’ont livré à ce jour qu’un seul exemplaire. Le constat qui s’impose est celui d’un
grand déséquilibre : quelques types très populaires sont accompagnés d’un grand nombre d’autres très peu
fréquents et sans doute très peu produits. Barbe présente trois fois plus de moules que n’importe quel autre
sujet iconographique.
L’analyse de la composition du corpus des saints et des saintes représentés sur les boutons-enseignes peut
s’avérer intéressante, non en soi, mais parce qu’elle illustre, à travers un support particulier à une époque
précise du Moyen Âge, le champ des dévotions aux saints et peut permettre des études comparatives
diachroniques et synchroniques avec d’autres ensembles. Il est possible de les regrouper, selon la période
historique au cours de laquelle ils ont vécu, en quatre groupes qui se distinguent à la fois par la personnalité
des personnages retenus et par leur nombre. Le Ier siècle fournit neuf saints et saintes, qui ont tous côtoyé le
Christ ; six sontmartyrs (Étienne, Jean Baptiste) dont quatre apôtres (André, Jacques, Pierre et Paul qui ne
figure néanmoins pas dans la liste canonique). S’ajoutent Anne, ainsi que Simon de Cyrène et Véronique
tous deux associés à la Passion du Christ. Les II-IVe siècles concentrent la majorité des saints personnages,
dix-neuf sur trente-neuf identifiés 43. Dix sont martyrs, dont tous les saints soldats sauf Martin (Quirin,
Sébastien, Georges, Julien de Vouvantes) et toutes les vierges (Barbe, Catherine, Marguerite), ainsi que
deux évangélisateurs (Quentin, Christophe) et un pape (Corneille) ; pour la plupart ils ont été victimes des
persécutions de l’Antiquité tardive, auxquelles se rattache également Syre, étroitement liée au martyr
Savinien. Ils sont rejoints dans la deuxième moitié du IVe siècle par les évêques (Mansuy, Martin, Nicolas,
Servais) qui ne sont jamais martyrs. S’ajoutent Antoine, Julien l’Hospitalier, Mathurin et Hélène qui
n’entrent dans aucune de ces catégories. Après le IVe siècle, le nombre de personnages représentés sur les
boutons-enseignes ne cesse de décroître ; les martyrs et les femmes disparaissent. Les VIe-IXe siècles ont
fourni sept saints, presque tous concentrés sur le VIIe siècle. Ce sont en très grande majorité des
personnages d’origine aisée voire noble (Charlemagne), souvent évêques ou papes (Claude, Éloi, Grégoire,
Hubert) et/ou qui se sont retirés sur monde (Bavon, Claude, Fiacre). Du VIIe siècle date aussi l’apparition
de la Vierge à Notre-Dame de Boulogne. La dernière période concerne les saints, largement minoritaires,
que l’on peut qualifier de récents (XIe-XIVe siècles). On ne trouve plus d’évêques, mais le niveau social et
le retrait du monde jouent encore visiblement un rôle important (Thibaut, François d’Assise, Louis IX,
Roch). L’apparition de NotreDameà Liesse date du XIIe siècle.
Choixiconographiques
Le fait que la plupart des sujets figurés sur les boutons-enseignes soient connus pour des enseignes en
plomb-étain souligne les rapports entretenus entre les deux catégories d’objets. La comparaison avec les
corpus du Musée des Thermes de Cluny et de la rivière Sainte-Catherine àValenciennes permet d’établir
une liste, évidemment non exhaustive, de correspondances 44 ;vingtquatre types sur soixante-dix-sept sont
communs : pour le Christ, l’Annonciation, la Nativité, la Crucifixion, le Suaire de Lirey-Chambéry ; pour
la Vierge, Notre Dame de Boulogne, Notre Dame de Liesse ; pour les saints, Claude, Éloi, Fiacre, Georges,
Hubert, Jacques, Jean Baptiste, Martin, Mathurin, Michel, Nicolas, Pierre et Paul, Quentin, Sébastien,
Servais ; pour les saintes, Barbe, Catherine, Véronique. Dans cette liste figurent certains des sujets
iconographiques les plus fréquents sur les boutons-enseignes ce qui témoigne d’une continuité de la
dévotion envers les saints les plus populaires du Moyen Âge. Iconographiquement, les continuités sont
aussi fréquentes. D. Bruna a spécifiquement mis en évidence la continuité iconographique à propos d’un
7
bouton-enseigne au Saint Suaire rapproché d’une enseigne en plomb du musée de Cluny datée de 13501453 : « L’enseigne en bronze apparaît donc comme un souvenir de Chambéry, mais également comme un
excellent exemple de transmissiondumodèle iconographique d’un sanctuaire à un autre » 45. Dans
l’ensemble, les graveurs privilégient en effet les figurations classiques, la représentation traditionnelle du
saint ou de ses attributs, parfois une scène de sa vie, son martyre ou un miracle 46. Aucun bouton-enseigne
ne figure toutefois de reliquaire contrairement aux enseignes en plomb-étain (Jean Baptiste, Servais, etc.).
Ainsi les continuités n’interdisent pas les originalités : si la plupart des boutons-enseignes utilisent des
compositions proches des représentations des enseignes en plomb-étain, parfois avec de sensibles
évolutions, d’autres diffèrent nettement. C’est le cas des enseignes de Jean Baptiste : si les enseignes de
plomb datables du XIVe siècle figurent majoritairement la présentation du chef-reliquaire du saint 47, les
boutons-enseignes favorisent une représentation en pied du saint soutenant l’agneau 48. Le même constat de
continuités et de ruptures s’impose si l’on considère les types de légende : dans certains cas, tout à fait
banalement, c’est le nom du saint, parfois accompagné du nom du sanctuaire où il est vénéré 49, qui sont
cités mais le nom est aussi souvent inséré dans une invocation du type « Sancte/Sancta [nom du saint] ora
pro me/nobis » sur laquelle nous reviendrons. Enfin, il faut rappeler que l’utilisation d’un métal et d’un
système d’attache radicalement différents par rapports aux enseignes en plomb-étain témoigne plus d’une
évolution technologique que d’une recherche de qualités esthétiques différentes : les alliages de plombétain et de bronze blanc imitent l’un et l’autre l’argent dont ils ont la couleur et la brillance 50. Entre
continuités et innovations, les boutons-enseignes illustrent ainsi l’évolution tardo-médiévale des enseignes
religieuses et permettent d’aborder la questiondel’évolution des pratiques religieuses.
Pratiques et dévotions
Les boutons-enseignes étaient-ils nécessairement vendus dans les sanctuaires où étaient vénérés les saints
dont ils portaient l’image, à l’instar des enseignes de pèlerinage, ou, au contraire, simples objets personnels
de dévotion, pouvaient-ils être achetés à peu près n’importe où au même titre que les médailles modernes ?
Si la question doit nécessairement être posée, il est néanmoins réducteur de résumer le débat concernant la
fonction des boutonsenseignes à une simple alternative. Il convient à présent de montrer, en se fondant sur
l’étude du corpus lui-même, que les boutons-enseignes, tout comme la plupart des petits objets médiévaux
de piété, illustrent la multiplicité des pratiques religieuses et des dévotions et ne peuvent être rangés
sousaucuneétiquette prédéfinie.
Un débat ancien
Les auteurs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe proposent spontanément, dans leur très grande
majorité, d’identifier les boutonsenseignes à des souvenirs de pèlerinage qui auraient remplacé les
anciennes enseignes en alliage de plomb 51. Cette thèse s’appuie à juste titre sur les légendes qui indiquent
clairement un pèlerinage comme Vouvantes ¢ SAINCT + IVLIAM + DE + VOVANTE (catalogue 39) ¢ ou
Boulogne-sur-Mer ¢ DE +BOVLONGNIE (19) (fig. 2, i-j) ¢, ainsi que sur les exemplaires qui représentent
des reliques conservées dans un sanctuaire déterminé comme le Saint Suaire de Lirey-Chambéry (8) ou la
sainteTunique deTrèves (63 et 72), et sur tous les phénomènes de continuité que nous avons relevés entre
les enseignes de plomb et les boutons-enseignes. Ces arguments ont d’évidentes limites : ni l’argument
iconographique, ni les représentations de reliques n’autorisent de conclusion sur les continuités
fonctionnelles, et les légendes désignant un lieu ne concernent que deux types sur soixante-dix-sept ce qui
rend très périlleuse toute tentative de généralisation. L’hypothèse d’insignes de corporation, parfois émise
lorsqu’aucun pèlerinage majeur n’est connu pour le sujet représenté, exprime alors l’insatisfaction des
chercheurs anciens pour cette théorie ; aujourd’hui comme alors, cette dernière hypothèse ne repose sur
aucunepreuve concrète maisnepeut être rejetée 52.
Il a été depuis reconnu que ce n’est qu’originellement, au XIIe siècle et, quoique moins nettement, au XIIIe
siècle, que les enseignes (de plomb) sont indiscutablement liées à un lieu de culte et servent à attester la
réalisation effective d’un pèlerinage, en plus d’être des amulettes prophylactiques et des symboles de piété.
Progressivement, le statut premier de l’enseigne s’efface ; elle peut alors être achetée dans les sanctuaires
sansquecela corresponde à une pratique de pèlerinage 53. Un même sanctuaire a même parfois pu produire
plusieurs types d’enseignes en plomb-étain sans rapport immédiat avec le culte local, dans le but de
répondre à la demande des pèlerins qui cherchaient à acquérir l’image de saints populaires 54. Il est évident
qu’il faut, de la même manière, dissocier, au moins dans un premier temps, les boutons-enseignes des XVe
et XVIe siècles de la pratiquedupèlerinage 55.Unepartieducorpus, qui comporte des types qui n’ont aucun
8
rapport ni avec un sanctuaire ni même avec une dévotion, rend ce changement de point de vue nécessaire :
c’est le cas, entre autres, de la tentation d’Adam et Ève (1) et du bouton-enseigne, plus exceptionnel et
explicitement laïc, dans lequel les armes du royaume de France et d’Anne de Bretagne apparaissent liées à
un arbre (5) (fig. 2, f). La composition fait référence à l’union matrimoniale d’Anne de Bretagne avec
Charles VIII en 1491 ou Louis XII en 1499 56 : cette enseigne assurerait donc une fonction commémorative,
déjà attestée pour d’autres événements par certaines enseignes en plomb-étain 57 ou certains jetons, et ne
peut pas être liée à un pèlerinage. L. Berton a par conséquent rapproché les boutonsenseignes d’autres
catégories tardo-médiévales d’objets de piété et tout particulièrement des médailles en remettant en cause
toute idée de lien entre les boutons-enseignes et les sanctuaires :
À cette époque, l’enseigne n’était déjà plus nécessairement une preuve ou un souvenir de l’accomplissement d’un
pèlerinage, chacun pouvant se procurer n’importe quelle enseigne auprès d’un bimbelotier ambulant, et la porter, à
l’instar d’une médaille, pour se placer sous la bienveillante protection d’un saint ou d’une sainte 58.
Aucune de ces deux hypothèses ne rend néanmoins compte de l’hétérogénéité du corpus des boutonsenseignes : l’alternative, on le voit, n’admet que trop peu de nuances. Il est donc nécessaire de déplacer le
débat et de se poser la question, non de la fonction, mais bien des fonctions des boutonsenseignes, comme
J. Evans, dès 1909, en avait eu l’intuition :
But the question arises are all these badges pilgrims’ signs or are not some of them of the nature of personal amulets ?
In what I shall have to say with regard to the larger number of representations of St. Barbara I shall point out the
probability of both classes of objects being represented in the collection 59.
Son idée naît de l’analyse même du corpus, de la variété des types et de leur fréquence. De fait, ce n’est pas
de l’extérieur, par comparaison avec les enseignes en alliage de plomb ou les médailles, qu’il faut
déterminer la fonction des boutons-enseignes, mais bien sur la base du corpus lui-même, autrement dit à
partir de la typologie et de la fréquence des sujets représentés,
et de son interprétation au regard de l’évolution des pratiques de dévotion à la fin du Moyen Âge. Les deux
sujets sont en effet étroitement liés et il est impossible de séparer l’objet de son contexte culturel et
spirituel. Cette approche permet de mettre en avant la multiplicité des dévotions qui soustendent la
production des boutons-enseignes. Trois catégories peuvent être définies que nous allons étudier
successivement : les saints thaumaturges, les saints « de proximité » associés à des pèlerinages régionaux et
les saints universels non spécifiquement thaumaturges dont la dévotion, manifestement déconnectée d’un
lieu de pèlerinage, est en raison de leur statut même plus délicate à aborder ; ces catégories ne sont ni
exclusives (un même type peut figurer dans deux catégories), ni absolues, mais correspondent à des
tendances majeures des pratiques religieuses tardo-médiévales. Le corpus des boutonsenseignes présente
l’intérêt d’être cohérent chronologiquement et, comme nous le verrons, géographiquement et, à ce titre, se
révèle particulièrement précieux pour analyser les pratiques de dévotion, par essence particulièrement
difficiles à saisir, dans un espace chrono-géographique donné.
Sainte Barbe et les saints thaumaturges
Sainte Barbe est la sainte qui a livré le plus d’exemplaires de boutonsenseignes : quatre-vingts exemplaires,
si l’on prend en compte ceux où elle apparaît associée à un autre personnage. Le cas de cette sainte à
laquelle, à notre connaissance, aucun pèlerinage ne peut être associé, est exemplaire du statut et du contexte
de diffusion des boutons-enseignes. Sa surreprésentation surprend mais s’accorde néanmoins avec le
développement sans précédant que connaît le culte de la sainte au cours du XVe siècle, en Europe et
notamment en Allemagne et dans le Nord de la France : les lieux de culte et les confréries placés sous son
vocable se multiplient, elle est très fréquemment représentée dans l’iconographie, et pas moins de dix-huit
Mystères traitant de sa légende sont connus 60. Sa popularité est expliquée par le fait qu’elle est censée
préserver de la foudre et de la mort subite en général 61 : parce qu’elle protège de la « male mort », sans
confession ni communion, les croyants ont eu de plus en plus fréquemment recours à son intercession 62.
Un Livre d’Heures daté de 1490 contient la prière d’un dévot qui demande à Barbe « de le garder de foudre
et de tempeste / comme de mort subite, vilaine et déshonneste / ainsi que Dieu lui a donné puissance » 63.
La sainte, parce qu’elle l’a demandé avant de mourir, est en effet dotée du privilège de faire intercession
pour ceux qui s’adressent à elle 64. C’est à ce titre qu’elle apparaît très fréquemment dans les Artes
moriendi. Elle figure systématiquement au nombre des Quatorze Intercesseurs (dieVierzehn Nothelfer dits
aussi « saints auxiliaires » ou « auxiliateurs ») dont le culte est né dans le sud de l’Allemagne mais ne
9
semble pas s’être diffusé en France au-delà de la Lorraine 65, et dans une autre liste de saints privilégiés
transmise dans plusieurs Livres d’Heures français du XVe siècle et deux ballades d’Eustache Deschamps 66 :
« Ils sont cinq sains, en la genealogie, / Et cinq sainctes, a qui Dieux octria / Benignement, a la fin de leur
vie, / Que quiconques de cuer les requerra / En tous perilz, que Dieu essaucera / Leurs prieres, pour
quelconque mesaise » 67. Sachant qu’aucun lieu de pèlerinage n’est particulièrement associé à sainte Barbe,
il est très probable que la fréquence de sa représentation sur les boutons-enseignes soit lié à l’importance de
son pouvoir d’intercession.
Au-delà de ce cas particulier, ce ne sont pas moins de quinze saints et saintes auxiliaires notoires,
spécialisés dans la guérison de diverses pathologies ou dans la protection de certains groupes de personnes,
qui figurent sur les boutons-enseignes : Barbe, Catherine, Marguerite pour les saintes ; Christophe, Fiacre,
Georges, Hubert, Jacques, Julien de Vouvantes, Julien l’Hospitalier,Martin, Mathurin, Nicolas,Roch,
Sébastien pour les saints. Il est impossible de clore la liste tant le nombre des auxiliaires, auparavant très
limité, explose littéralement entre le XIIIe et le XVe siècles, en même temps que le culte de ces Holy
Helpers se diffuse dans tous les niveaux de la société 68. Théoriquement, bien qu’il y ait des « spécialistes
», tout saint peut être convoqué pour soigner une maladie ou résoudre un problème quelconque. La ballade
d’Eustache Deschamps est sur ce point particulièrement éloquente. Parmi les saints thaumaturges des
boutons-enseignes, Barbe, Catherine, Marguerite, Christophe, Georges, Nicolas,Roch et Sébastien,
auxquels il faut rajouter Antoine qui n’est pas particulièrement connu pour ses pouvoirs thaumaturgiques,
figurent dans les listes d’auxiliaires, que ce soit dans la liste canonique des Vierzehn Nothelfer (Georges,
Christophe, Barbe, Catherine et Marguerite), dans des variantes de cette liste (Antoine, Sébastien, Roch ou
Nicolas) 69 ou dans la liste française (Barbe, Catherine, Marguerite, Christophe et Georges) 70. La tendance,
illustrée dans ces différentes listes, à créer des groupes de saints partageant des pouvoirs similaires ou
complémentaires est d’ailleurs tout à fait comparable à celle qui s’observe sur certains boutons-enseignes
où Barbe et, moins souvent, Hélène et Véronique apparaissent en compagnie de Jacques, Nicolas, Sébastien
ou la Vierge 71. On retrouve également fréquemment les mêmes saints guérisseurs dans les textes qui
dénoncent ouvertement les pratiques superstitieuses de ceux qui accordent directement aux saints un
pouvoir divin pour l’application duquel ils ne sont en théorie que les intermédiaires. Dans un sermon de
1518, Luther cite, entre vingt-deux saints, Antoine, Sébastien, Martin, Roch, Christophe, Anne, Barbe,
Catherine et Marguerite. Avant lui, Jean Gerson évoque dans le De directione cordis, Christophe, Jean
Baptiste, Hubert et Antoine 72. Il est inutile de faire la liste, qui n’est ni fixée ni fermée, des spécialités des
saints que l’on retrouve sur les boutons-enseignes ; on compte cependant trois spécialistes de la peste
(Christophe, Roch et Sébastien) et trois protecteurs des voyageurs (Christophe encore, Jacques et Julien
l’Hospitalier). Ces concordances, si l’on considère la relative rareté de ces types, ne semblent en effet pas
significatives 73.
Plus généralement, les saints des boutons-enseignes semblent convoqués, au-delà d’une réputation de
guérisseurs, pour leur pouvoir d’intercession en général. C’est le constat qui ressort des invocations
formulaires que portent de nombreux exemplaires figurant des saints divers qui ne sont pas forcément
connus pour leurs pouvoirs thaumaturgiques : Sancte/sancta [nom du saint ou de la sainte] ora pro
me/nobis (sur les exemplaires figurant André, Antoine, Claude, Fiacre, Jacques, Nicolas, Quentin, Quirin,
Simon, Barbe, Marguerite). Les exemplaires représentant la Vierge, intercesseur par excellence et très
souvent figurée sur des boutons-enseignes sans doute pour cette raison, portent de façon récurrente la
formule O Mater Dei, memento mei 74.
La nature même de cette dévotion invite à dissocier les boutons-enseignes figurant ces personnages des
centres de pèlerinage.Eneffet, le développement du culte des saints thaumaturges et intercesseurs s’est
accompagné d’un déplacement progressif du lieu du miracle dont on trouve la trace dès le XIIIe siècle et qui
devient très fréquent au siècle suivant : le déplacement du dévot dans le sanctuaire où sont conservées les
reliques du saint devient conditionné par la réalisation du miracle et l’invocation peut avoir lieu à distance.
André Vauchez associe cette évolution des pratiques à l’autonomisation et à la diffusion, dans les milieux
populaires à partir du début du XVe siècle, des images des saints dont les boutons-enseignes ne constituent
qu’un exemple 75 :
En règle générale [...] la dévotion envers les saints tend à se distancier du culte des reliques, aux derniers siècles du
Moyen Âge, même si, dans les voeux conditionnels, subsiste toujours une référence topographique concrète. Les
pouvoirs des saints y gagnent en universalité, puisqu’ils sont moins liés que le passé à un lieu unique, celui où reposait
10
leur dépouille. Et surtout, la charge spirituelle du culte qui leur est rendu s’accroît, dans la mesure où leur action
bénéfique ne s’exerce pas de façon automatique, mais à travers des relais ¢ l’image et la parole [...] 76
Au terme de cette évolution, l’image acquiert un pouvoir miraculeux autonome identique à celui des
reliques, ce qui rend optionnel le pèlerinage dans le sanctuaire les contenant. Les boutons-enseignes
s’inscrivent clairement dans cette évolution des pratiques de dévotion mais, pour d’autres types,
l’hypothèse d’un lien avec un sanctuaire ne doit pas être d’emblée écartée lorsque celui-ci présente un
rayonnement local ou régional bien attesté.
Saints et sanctuaires régionaux
Une approche géographique de la diffusion des boutons-enseignes permet de mettre en évidence la
coïncidence entre la localisation des trouvailles et la carte de sanctuaires qui maintiennent, à la fin du
Moyen Âge, des pèlerinages vivaces. Pour réaliser l’étude de la répartition des boutons-enseignes en
fonction de leur lieu d’invention, un échantillon statistiquement valide était nécessaire. La commune
d’invention étant quasi-systématiquement inconnue, nous avons choisi l’échelle du département. Sur les
quatre cent douze exemplaires recensés, trois cent quatre-vingt-neuf ont été trouvés en France 77. La
provenance de cent soixante-quatre exemplaires (39,81 %) est connue avec certitude et celle, hypothétique,
de quatre-vingt-trois autres peut être reconstituée avec vraisemblance (20,15 %) 78. Le corpus utilisable
s’élève ainsi à deux cent quarante-trois exemplaires (59,96 %). La carte de répartition des exemplaires
découverts, que nous assimilerons à l’aire de diffusion des boutons-enseignes, est la suivante.
FIG. 4. Répartition des trouvailles de boutons-enseignes. 1. trouvailles dont le lieu de découverte est connu avec certitude. 2 :
trouvailles dont le lieu de découverte est connu avec certitude ou seulement probable. © lion1906.com / S. Cahanier.
Mise à part une zone de concentration maximale légèrement plus étendue sur la deuxième carte, celle-ci
livre les mêmes conclusions que la première : la très grande majorité des boutons-enseignes provient du
quart nord-est de la France où une zone de concentration très nette apparaît entre la Champagne, la
Bourgogne et l’Île-de-France. Le département de l’Yonne, avec dix-sept exemplaires (et trois de
provenance hypothétique), en constitue l’épicentre, devant l’Aube (dix-sept exemplaires dont douze
assurés), la Seine-et-Marne (treize exemplaires dont onze assurés) et la Haute-Marne (douze exemplaires
dont huit assurés). Ces quatre départements concentrent 22,63 %des exemplaires localisés soit près du quart
79. On note à l’inverse de grands vides : la Bretagne et le Sud en général, notamment le Massif central, les
Pyrénées et la Provence.
La carte des sanctuaires dans lesquels la vénération aux saints du corpus est bien attestée à la fin du Moyen
Âge se superpose presque exactement à cette zone de diffusion : en dehors des saints universels et, parmi
eux, des saints auxiliaires, dont le culte n’est pas spécifiquement attaché à un lieu de pèlerinage (André,
Barbe, Jacques le Majeur, Marie Madeleine 80, Michel 81, Paul, Pierre 82, Roch, etc.), un grand nombre des
saints représentés sur les boutons-enseignes attirent par ailleurs parallèlement les pèlerins vers des
sanctuaires concentrés dans la même aire géographique (nord-est de la France, Belgique, ouest de
l’Allemagne actuels) 83 (fig. 5) :
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Antoine = Saint-Antoine-l’Abbaye (Isère) (1 sur la carte) ;
Bavon = abbaye Saint-Bavon de Gand (Belgique) (2) ;
Claude = monastère Saint-Claude de Saint-Oyand-de-Joux (Jura) (3) ;
Éloi = cathédrale Saint-Éloi de Noyon (Oise) (4) ;
Fiacre = prieuré de Saint-Fiacre-en-Brie (Seine-et-Marne) (5) ;
Hubert = monastère de Saint-Hubert (Belgique) (6) ;
Jean Baptiste = cathédrale d’Amiens (Somme) (7) plutôt que Saint-Jeand’Angély (Charente-Maritime) ;
Julien de Vouvantes = Saint-Julien-de-Vouvantes (Loire-Atlantique) (8) ;
Mansuy = cathédrale Saint-Étienne de Toul (Meurthe-et-Moselle) (9) ;
Mathurin=basilique Saint-MathurindeLarchant (Seine-et-Marne) (10) ;
Nicolas=basiliquedeSaint-Nicolas-de-Port(Meurthe-et-Moselle) (11) ;
NotreDamedeBoulogne=Boulogne-sur-Mer(Pas-de-Calais) (12) ;
Notre Dame de la Poterie = église Notre-Dame-de-la-Poterie, Bruges (Belgique) (13) ;
NotreDamedeLiesse=égliseNotre-DamedeLiesse-Notre-Dame (Aisne) (14) ;
NotreDameduMontRoland=sanctuairedumêmenomà Jouhe(Jura) (15) ;
Quentin=abbayedeSaint-Quentin (Aisne) (16) ;
Quirin = basilique Saint-Quirin de Neuss (Allemagne) ou abbatiale d’Ottmarsheim( Haut-Rhin)ouéglise
Saint-MartindeLeernes (Belgique) (17 a-b-c) ;
Servais=basiliquedeSaint-Servais à Maastricht(Pays-Bas) (18) ;
Syre=Rilly-Sainte-Syre(Aube) (27) ;
Thibaut de Provins = abbaye Saint-Pierre de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) ou abbaye Sainte-Colombe
de Saint-Denis-lès-Sens(Yonne) (19 a-b).
Il importe d’en distinguer le cas des saints dont le culte est beaucoup plus diffus, jusqu’à faire d’eux des
saints universels, comme saint Michel, et le cas de certains objets vénérés comme des reliques. Néanmoins,
il convient de ne pas ignorer, ici également, l’existence de sanctuaires qui contribuent à leur audience, dans
la dévotion populaire, sur un plan régional :
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Catherine=abbaye Sainte-Catherine-du-Mont àRouen(Seine-Maritime) (20) ;
Georges=abbayedeFontenelle(Nord) (21) ;
Hélène et sainte Croix = abbaye de Saint-Pierre d’Hautvillers (Marne) ou Trèves (Allemagne)oùse trouve la
sainteTunique (22 a-b) ;
Martin=basilique Saint-MartindeTours (Indre-et-Loire) (23) ;
Sébastien=abbaye Saint-MédarddeSoissons (Aisne) (24) ;
Suaire=chapelledeLirey(Aube) puisChambéryde1453à1562(Savoie) (25a-b) ;
Véronique et sainteFace=monastèredeMontreuil-en-Thiérache(Aisne) (26).
FIG. 5. Sanctuaires où sont attestées les dévotions représentées sur les boutons-enseignes.
© d-maps.com / S. Cahanier.
12
La superposition des deux cartes (celle de la diffusion des boutonsenseignes et celle des sanctuaires)
suggère bien la possibilité d’un rapport entre le succès des boutons-enseignes et l’attrait de ces sanctuaires
régionaux. Dans plusieurs cas, des saints ou des objets de culte qui comptent parmi les mieux représentés
dans le corpus des boutons-enseignes (Mathurin, Saint Suaire, Hubert, Jean Baptiste, Nicolas, Servais)
contribuent aussi à la réputation de lieux de pèlerinage situés dans la zone géographique considérée. Il
arrive même que la série d’exemplaires conservés et localisés soit suffisamment fournie pour autoriser la
réalisation de cartes de répartition où s’impose avec évidence le constat de la proximité entre les lieux de
trouvailles et un sanctuaire local 84. Les nombreux exemplaires représentant saint Mathurin, le type le plus
fréquent après sainte Barbe, proviennent dans leur très grande majorité des environs de la basilique de
Larchant (fig. 6) 85. Cette concentration des trouvailles concernant un saint typiquement local suggère une
acquisition directe des boutons-enseignes sur le lieu de culte. Cet achat n’est cependant pas forcément lié à
un pèlerinage, promis ou réalisé : les boutons peuvent être achetés sur place à l’occasion d’un pèlerinage
mais aussi d’une simple visite au sanctuaire, ils peuvent être offerts ou légués. Le même lien entre
sanctuaire et diffusion des boutons-enseignes paraît plausible, tout en étant moins sûr car le nombre
d’exemplaires est plus limité, pour saint Nicolas (autour de l’abbaye Saint-Nicolas-de-Port) (fig. 6) 86 et
saint Hubert (départements voisins de l’abbaye Saint-Hubert en Belgique).
FIG. 6. Répartition des trouvailles de boutons-enseignes représentant saint Mathurin (1) et saint Nicolas (2).
© lion1906.com / S. Cahanier.
D’autres arguments en faveur de ce rôle des dévotions régionales dans le succès qu’ont connu les boutonsenseignes peuvent encore être avancés. Bien qu’aucun lieu de pèlerinage particulier ne puisse être associé à
des saints comme Corneille ou Christophe, eux aussi attestés dans le corpus des boutonsenseignes, leur
popularité dans le nord de la France et en Belgique est indéniable. Dans d’autres cas, cette influence a
d’ailleurs pu s’exercer à la manière d’ondes concentriques à partir de sanctuaires plus éloignés, mais
néanmoins relativement accessibles aux habitants du nord et du nord-est de la France, tels Saint-Antoinel’Abbaye pour le culte de saint Antoine, Saint-Claude de Saint-Oyand-de-Joux pour celui de saint Claude,
Chambéry pour celui du Saint Suaire. Qu’une relation intrinsèque fasse dépendre le succès des
boutonsenseignes de la fréquentation des sanctuaires régionaux, ou que ces manifestations distinctes de la
dévotion aux saints régionaux soient simplement concomitantes, il importe au moins de reconnaître la
valeur de témoignage des boutons-enseignes au regard de l’intensité nouvelle qu’acquiert à la fin du Moyen
Âge la dévotion pour des saints locaux devenus en même temps, à tous égards, familiers. Comme l’a écrit
D. Bruna :
À la fin du Moyen Âge, la dimension locale du pèlerinage traduit une inclination de la population en faveur des saints
locaux. [...] Les sanctuaires locaux se sont développés ou ont connu une plus grande faveur des fidèles. [...] Mais ces
lieux saints ne se sont en aucun cas substitués aux grands centres de pèlerinage : ceux-ci ont cohabité avec ceux-là de
façon complémentaire. Si le pèlerinage dans les contrées lointaines drainait le plus souvent sur les routes des
aventuriers, des hommes et des femmes aisés, le pèlerinage local s’adressait notamment à une catégorie plus modeste
de pèlerins. D’importance mineure à l’aune des kilomètres parcourus, le pèlerinage local se limite à une visite, une
excursion d’un jour ou parfois même de quelques heures. L’expérience est même renouvelée au fil de la vie tant ces
lieux sont familiers et accessibles. Ils abritent pour la plupart les restes d’un saint que l’on connaît, en qui l’on a
confiance, que l’on invoque à tout moment et dont on porte parfois le nom 87.
13
Saints universels
Par contraste, on observe pour d’autres types un net décalage entre la zone de trouvaille des exemplaires et
le sanctuaire correspondant. Les cartes de répartition des exemplaires représentant des saints dits «
universels », la Vierge, ou encore les scènes de la vie du Christ 88 montrent une diffusion homogène sans
zone de concentration particulière comme pour les saints thaumaturges dont le culte s’est généralisé. Le cas
de saint Michel est exemplaire : tous les boutons-enseignes connus proviennent du sud et de l’est de la
région parisienne mais aucun n’a été trouvé dans les départements limitrophes du Mont-Saint-Michel où la
production d’enseignes en plomb est pourtant attestée par les fouilles archéologiques. Le cas du Saint
Suaire est également intéressant : bien que quatre exemplaires (dont un douteux) aient été découverts en
Haute-Savoie et dans les Hautes-Alpes, à proximité du sanctuaire de Chambéry, la carte de répartition
demeure très diffuse. Cette situation confirme la place qui revient, dans le répertoire des boutonsenseignes,
au saint invoqué hors des lieux de culte, comme on l’a montré pour les saints thaumaturges, parce que
l’image du saint peut elle-même accomplir des miracles et protéger le porteur tel un « talisman », rôle que
les médailles pieuses ont conservé.
Ces études de cas mettent ainsi en évidence que les boutons-enseignes répondent à une demande multiple et
à des pratiques variées qui seules peuvent expliquer la pluralité des sujets iconographiques. Certains types,
comme leurs ancêtres en plomb-étain, sont manifestement vendus dans les sanctuaires aux dévots de
passage et le lien avec un pèlerinage réellement effectué peut exister, sans être nécessaire (Mathurin). La
possession de l’image du saint n’est toutefois plus subordonnée à la visite du sanctuaire. Dans la plupart
des cas, les boutons-enseignes sont produits indépendamment de tout pèlerinage pour être vendus à des
fidèles qui désirent acheter l’image d’un saint dont on recherche tout particulièrement la protection, qu’il
ait une réputation de thaumaturge, d’intercesseur, qu’il s’agisse d’un saint universel sans spécialisation
avérée ou d’un saint local dont on se sent proche. Les boutons sur lesquels apparaissent plusieurs figures,
souvent des saints très populaires (Barbe, Jacques) ou la Vierge, ou un saint populaire et un saint faisant
potentiellement l’objet d’une dévotion locale (Hélène, Nicolas), illustrent la superposition et le croisement
de ces différentes pratiques qui, loin de s’opposer, se complètent. Les mêmes ateliers produisaient
probablement une pluralité d’enseignes pour les vendre au sein des mêmes échoppes. Cette évolution des
pratiques tardo-médiévales qu’illustrent les boutons-enseignes a été mise en avant par D. Bruna qui a
rappelé d’une part que l’enseigne, qu’elle ait ou non à l’origine été un souvenir de pèlerinage, avait
tendance à devenir un objet personnel et à faire l’objet d’une dévotion propre 89, et d’autre part que les
sanctuaires, à la fin du Moyen Âge, ont commencé à produire des enseignes des saints les plus populaires
indépendamment de leur pèlerinage principal pour répondre à une demande plus diversifiée 90 :
L’étude de l’iconographie du pèlerin du XVe siècle révèle que ce voyageur pouvait orner son chapeau de près d’une
dizaine d’enseignes, alors que le pèlerin du XIIe et XIIIe siècle se contentait souvent d’un seul insigne. Le pèlerin de la
fin du Moyen Âge est davantage un collectionneur d’objets.
Les boutons-enseignes illustrent ainsi parfaitement l’évolution des mentalités et des pratiques déjà connue
pour les enseignes en plomb-étain et semblent même marquer une accentuation de ces tendances. Leur
datation permet de compter les boutons-enseignes au nombre des dernières enseignes médiévales connues
91 quelques décennies avant l’apparition des premières médailles pieuses. S’il est sans doute excessif de
considérer qu’ils opèrent la transition entre les enseignes en plomb-étain et les médailles pieuses 92, il est
certain que leur diversité témoigne de l’évolution des pratiques et des mentalités religieuses à la fin du
Moyen Âge. La taille plus réduite, la forme plus géométrique ou encore l’utilisation d’un alliage cuivreux
préfigurent de fait les médailles. Mais parce qu’il est cousu au vêtement et non suspendu à une chaîne, le
bouton-enseigne est néanmoins encore pleinement une enseigne médiévale. Il constitue une des dernières
catégories d’enseignes qu’il convient de replacer dans la profusion des nouvelles formes d’objets de
dévotion qui, des enseignes en métal estampé aux gravures imprimées, fleurissent entre le XVe et le XVIe
siècle dans l’Occident chrétien.
Une pratique régionale
La découverte des boutons-enseignes dans un espace géographique relativement restreint (le nord et le
nord-est de la France et les pays limitrophes), tout comme la superposition de cette carte de répartition avec
les dévotions régionales et les sanctuaires locaux vivants à la fin du Moyen Âge, sont des arguments qui
14
invitent à faire de ces objets une pratique régionale particulière, limitée dans le temps mais aussi dans
l’espace. L’absence de boutons-enseignes autour d’autres sanctuaires français où la production d’enseignes
en plomb-étain est attestée tout au long du Moyen Âge et à une époque immédiatement antérieure voire
contemporaine de celle de leur diffusion (l’exemple le plus clair, car attesté par l’archéologie, étant celui du
Mont-Saint-Michel 93), est un argument supplémentaire : aucune découverte de bouton-enseigne n’a de
même été signalée, à notre connaissance, à proximité des grands centres de pèlerinage à rayonnement
international (Rome, Saint-Jacques-de-Compostelle ou Jérusalem). De fait, la diffusion des boutonsenseignes n’a jamais atteint celle des enseignes en plomb-étain, produites et répandues un peu partout en
Europe occidentale et centrale 94. Ces éléments laissent entrevoir une pratique, et par conséquent une
demande, locales et soulèvent la question de la production.
J. Evans remarquait que la proximité stylistique de plusieurs exemplaires laissait suspecter le travail d’une
même main 95. Il est hautement probable en effet, comme nous l’avons vu, que le même artiste ou atelier
produisait plusieurs modèles répondant à une demande variée. Les ateliers étaient-ils nombreux ou faut-il
au contraire considérer qu’une poignée d’entre eux se partageaient la production ? Ces ateliers étaient-ils
liés aux sanctuaires (quand le bouton-enseigne témoigne d’une dévotion liée à un centre de pèlerinage) ou
étaient-ils indépendants et fonctionnaient-ils par commande ? En l’absence de découverte archéologique,
notamment de moule, il convient de rester extrêmement prudent sur ces questions. Sur la base de la carte de
répartition des trouvailles, on peut suspecter une production proche des lieux d’invention. Il est peu
probable en effet que des boutons-enseignes aient été produits dans des régions où aucun exemplaire n’a
été découvert. Il est tout aussi probable que la production des boutons-enseignes soit due à une multiplicité
d’ateliers localisés, au moins pour une partie d’entre eux, à proximité des centres de pèlerinagecommepour
les enseignes en plomb-étain. La fréquence et la concentration des enseignes de saint Mathurin permettent
de supposer l’existence très probable de l’un d’entre eux à Larchant. D’autres ont certainement existé
autour de certains des sanctuaires dont nous avons donné la liste. Cependant, s’il est possible, comme nous
allons à présent le voir, d’entrevoir le fonctionnement de ces ateliers, il demeure pour le moment
impossible de les localiser de manière affirmative. Il faut conclure, avec undegré de probabilité satisfaisant
mais sans plus de précision, que les boutonsenseignes constituent une réponse régionale à la demande
générée par le développement de pratiques de dévotion particulières à la fin du Moyen Âge : saints
protecteurs et thaumaturges, saints de proximité, saints universels.
Dans l’atelier du « faiseur d’enseignes » : inspiration, diffusion et variation des modèles
Si les pratiques religieuses liées à la possession des enseignes tendent à être mieux appréhendées, à l’autre
bout de la chaîne, la question de la production des enseignes de pèlerinage demeure un domaine très mal
connu, en raison notamment de la rareté des sources aussi bien textuelles qu’archéologiques. Si les
découvertes récentes, comme l’atelier de « faiseurs d’enseignes » au Mont-Saint-Michel dont l’étude est
parue en 2016 96, associées aux textes d’archives, permettent de retracer les grands traits de leur
fonctionnement 97, de nombreux points demeurent cependant à élucider, notamment sur les sources
d’inspiration. L’établissement d’un corpus large et diversifié, mais en même temps restreint à une
production limitée dans le temps et l’espace, permet d’éclaircir certains points de cette problématique dans
le cas particulier des boutons-enseignes.
Comme l’avait souligné J. Evans au début du XXe siècle, les productions des différents ateliers présentent
un tel degré d’homogénéité qu’il faut bien supposer des contacts étroits entre eux : l’utilisation de ces
techniques particulièrement originales que sont le recours au bronze et l’attache de type bouton, tout
comme de nombreux critères stylistiques, prouvent en effet que nous sommes en présence d’un patron
technologique cohérent qui s’est diffusé d’atelier en atelier. De fait, seul l’échange des modèles et des
techniques entre les différents centres religieux peut expliquer l’homogénéité de la production. L’étude
iconographique précise des boutonsenseignes pourrait ainsi permettre de se faire une idée de la façon dont
les graveurs trouvaient leur inspiration et des jeux d’influence exercés entre les différents ateliers de «
faiseurs d’enseignes » qui en viennent à former un véritable réseau partageant aussi bien les techniques que
les modèles iconographiques. Cette étude, qui ne peut que se fonder sur une comparaison précise de
l’ensemble des moules recensés, fournirait à elle seule la matière d’un article. Sans prétendre à
l’exhaustivité, nous nous contenterons ici de présenter, en guise d’illustration, certains moules qui offrent
une grande similitude dans le dessin que seuls la copie directe ou l’emploi d’un même schéma de base
adapté de plusieurs façons différentes pour deux saints distincts peuvent expliquer.
15
FIG. 7. ¢ Échantillon de boutons-enseignes comparables (l’échelle n’est pas respectée) : dans le traitement de la figure du saint : a et
b : Nicolas (no 46) et Servais (no 52 var. 2) ; c, d et e : Mansuy (no 42), Nicolas (no 46) et Claude (no 29) ; dans le traitement de la
légende : f et g : Claude (no 29) et Barbe (no 61). © S. Cahanier (dessins a-e) et C. Bellenger (dessins f-g).
Les deux premiers modèles, figurant Nicolas et Servais (fig. 7, a-b), présentent à la fois de grandes
similitudes dans la représentation et la posture des personnages (visage imberbe, mitre, crosse, plis du
costume) et dans le décor (même ville schématique). Seuls varient les gestes des mains et les attributs ; ces
derniers semblent surajoutés sur le modèle de Servais puisque le pli du tissu que Nicolas retient dans sa
main, caché par le livre, semble n’y être soutenu par rien. Deux autres modèles, de Nicolas encore et de
Mansuy (fig. 5, c-d), outre une composition similaire, présentent des personnages identiques en tout point,
et seuls la légende et les personnages secondaires (le saloir pour Nicolas et l’enfant noyé pour Mansuy)
permettent de les identifier. Le modèle de Mansuy se démarque aussi par une plus grande finesse. On
notera que la proximité de ces deux modèles peut être liée à la proximité des récits hagiographiques : il
s’agit dans les deux cas de résurrections d’enfants par un saint évêque. Un troisième modèle, de Claude
cette fois (fig. 5, e), présente le même personnage, mais symétriquement inversé. Cette inversion en miroir
est un phénomène fréquent qui se produit lorsque le graveur copie un modèle dans une matrice sans opérer
de transformation de ce qu’il voit, ce qui a pour effet d’inverser l’image lors du coulage de l’objet. Le
processus de copie ou d’inspiration ici mis en évidence peut ailleurs porter sur la légende et non sur le
personnage, comme dans le cas de deux boutons-enseignes de Barbe et Claude (fig. 5, f-g) où le bandeau et
la graphie (lettres épatées, A sans barre) sont identiques. Les convergences fréquentes entre différents
moules peuvent avoir plusieurs sources : soit un nouveau type était réalisé à partir d’un modèle précédent,
légèrement modifié, issu du même atelier, ce qui génère une très grande proximité stylistique puisque la
même main est responsable des deux modèles (c’est sans doute le cas pour le dernier exemple), soit les
types étaient copiés dans un atelier d’après une enseigne provenant d’un autre atelier. Il est également
possible, si les différents moules comparables doivent être attribués à un seul atelier, que le graveur ait
utilisé un patron fixe adapté aux différents personnages représentés par l’ajout d’attributs, des variations de
la posture des mains, de la forme de la croix ou de la crosse des évêques, ou encore par l’ajout d’éléments
de contexte ou de décors (fig. 5, a-b et c-d). Une organisation hiérarchique associant des maîtres-graveurs
réalisant les modèles (ou uniquement les personnages) et des apprentis chargés de les copier (ou de remplir
le champ autour des personnages) est possible mais elle doit être confirmée par une étude plus complète.
Quels étaient les modèles ? Étaient-ils issus de l’imagination du graveur ou s’inspiraient-ils d’images
préexistantes ? Bien que la composition iconographique des boutons-enseignes reprenne parfois celle des
enseignes en plomb-étain, le style est dans chaque cas trop éloigné pour que l’on puisse déduire que les
premières s’inspirent des secondes. Faut-il alors chercher du côté de la statuaire, des reliquaires ou encore
des sceaux ecclésiastiques 98 ? Jusqu’à présent, nous n’avons trouvé aucun parallèle probant. Le
rapprochement avec les images de colporteurs, les estampes et plus encore les gravures des incunables, qui
partagent avec les boutons-enseignes le même principe de la sérialité en raison de l’utilisation de patrons
16
fixes 99, pourrait s’avérer plus fructueux. Dans la mesure où le développement de l’imprimerie a permis aux
gravures pieuses de circuler largement, donc de diffuser les modèles, il est tentant de chercher sur ces
supports la source iconographique des boutons-enseignes ; les livres d’heures imprimés, notamment,
présentent souvent des séries de gravures largement comparables à celles des boutons-enseignes 100.
Avant de conclure, nous voudrions présenter le cas de sainte Barbe car le grand nombre de moules qui la
représentent, trente-sept à ce jour, permet d’illustrer la façon dont les graveurs faisaient varier l’image d’un
même personnage. Barbe est toujours représentée de la même façon, sans exception : en pied, vêtue d’un
long manteau drapé qui pend jusqu’au sol, elle tient dans une main un livre et dans l’autre la palme du
martyre ; derrière elle se trouve la tour de sa légende. De nombreux détails varient, comme le drapé de
l’habit de la sainte, certains accessoires vestimentaires, la position respective du livre et de la palme,
l’orientation de cette dernière (tournée à droite ou à gauche), la forme de la tour et la place qu’elle occupe,
à droite ou à gauche de la sainte. Malgré cette diversité, qui permet théoriquement d’infinies variations, la
comparaison des moules met en évidence que seule six images différentes de Barbe (numérotées I à VI sur
la figure 8) ont été utilisées et onze images de la tour (numérotées i à xi) ; les autres variantes sont
seulement minimes et liées au processus de copie plus ou moins habile, répété plusieurs fois de suite 101.
L’emploi d’images différentes pour Barbe et sa tour permet de multiplier les combinaisons et ainsi de faire
largement varier les représentations mais là encore, sur les soixante-six combinaisons théoriquement
possibles, seules quatorze sont attestées à ce jour ; ce sont les « familles » de moules A à N sur la figure 8
(A correspond aux moules utilisant l’image I de Barbe et l’image i de la tour, etc.). Le phénomène de copie
provoque donc une (relative) pauvreté iconographique en limitant les représentations originales. Ceci est
d’autant plus manifeste que sur quatorze combinaisons, seules trois (B,FetK) sont très fréquentes avec six
ou sept moules. À l’inverse, sept combinaisons ne sont connues que par un moule. Sur le schéma chaque
moule est identifié par une lettre minuscule correspondant à la forme (fig. 3) et par un numéro d’inventaire
(a01 est le premier moule recensé pour la forme A, a02, le deuxième, etc.) 102.
FIG. 8. ¢ Restitution des 14 familles de moules (lettres capitales, de A à N) ayant servi de matrice à la production des boutonsenseignes du corpus où apparaît l’image de sainte Barbe. Cette image combine une figure de femme (six variantes : chiffres romains
en grandes capitales, de I à VI) et le dessin d’une tour (onze représentations différentes : chiffres romains en minuscules, de i à xi).
Chaque moule théorique est pourvu d’un numéro d’inventaire (lettre minuscule, correspondant à la forme de l’enseigne, suivie d’un
chiffre) permettant le classement en séries.
Le schéma permet de mettre en évidence un premier groupe de combinaisons ou familles (A-J) qui utilise
de manière croisée trois images de Barbe (I-III) et sept images de la tour (i-vii). Il est ainsi possible
d’affirmer qu’il existe, entre les vingt-six moules ainsi regroupés, des rapports de copie ou une source
d’inspiration commune partielle ou totale. C’est là la marque d’un atelier particulier ou d’un groupe
d’ateliers se copiant les uns les autres ou entretenant des relations. Le nombre de moules est élevé et
souligne l’importance, dans la production des enseignes, de la reprise de représentations préexistantes : le
graveur travaille presque toujours sur modèle, voire copie un bouton-enseigne qu’il a sous les yeux, et rares
sont les cas de pure originalité. Seuls les moules correspondant aux familles M et N semblent à l’inverse
isolés. Il s’agit de deux moules au style très particulier (a15) voire très maladroit (a04) que l’on peut sans
doute considérer comme des tentatives originales d’un graveur ou d’un apprenti mais dont le résultat n’est
17
pas toujours à la hauteur du reste de la production. Les familles K et L, pour finir, forment un groupe à part
qui utilise des images spécifiques (IV et viii-ix), entièrement différentes de celles du groupe A-J, mais qui a
livré proportionnellement beaucoup de matrices (sept). Ce pourrait être l’indice d’un atelier distinct, qui
n’aurait pas copié les boutons du premier groupe que nous avons défini. La découverte d’un nouveau moule
pourra toutefois remettre en question à tout moment l’organisation que nous proposons ici à partir du
corpus connu 103.
Conclusion
Le nom vernaculaire donné aux boutons-enseignes par leurs fabricants et leurs possesseurs demeure
inconnu ; il nous est dès lors impossible de dire si cette catégorie d’enseignes était distinguée, par le
lexique, des enseignes en plomb-étain, ou si le rapport avec les boutons de costume était conscient. Il est
cependant possible que ces objets se cachent derrière le terme « enseigne » dans certains écrits 104. Ils
correspondent à une catégorie originale d’enseignes de pèlerinage et d’images pieuses, dont la diffusion, au
vu des trouvailles, est bien attestée dans le nord-est de la France entre la fin du XVe siècle et ledébut du
XVIe. Cette production éphémère nous permet d’entrevoir à des degrés de précision divers le
fonctionnement des ateliers, leurs sources, leurs choix iconographiques, leurs relations, les modes de
diffusion des enseignes, mais aussi de lever en partie le voile sur les demandes et les attentes des acheteurs.
Il nous plonge en somme au coeur des pratiques religieuses de ce que Johan Huizinga a très justement
appelé « l’automne du Moyen Âge » 105. Succédant souvent à des enseignes en plomb voire cohabitant
probablement avec elles, les boutons-enseignes sont ainsi l’expression originale et techniquement aboutie
d’un type d’objet ¢ l’enseigne religieuse en métal ¢, sur le point de disparaître pour être remplacé par les
médailles et les images pieuses. Cherchant à répondre à une demande qui a évolué (images de saints
populaires, qu’ils aient une réputation de thaumaturge ou non, et images de saints familiers dont les
sanctuaires sont proches sans forcément s’y rendre), ils manifestent peut-être aussi, par la volonté de
renouveler le style et les méthodes de fabrication, une réponse à la perte de popularité des enseignes en
plomb qui conduira à leur disparition rapide dans les premières décennies du XVIe siècle.
Simon CAHANIER
Université Jean Moulin, Lyon 3
ANNEXE
CATALOGUE DÉTAILLÉ DES TYPES DE BOUTONS-ENSEIGNES RECENSÉS
Les tableaux suivants indiquent, en reprenant l’ordre de classement établi cidessus, la description de chacun des
soixante-dix-sept types de boutons-enseignes recensés. Pour chaque type, nous avons précisé les différentes formes de
bouton connues (F), le nombre d’exemplaires recensés (NE) et enfin le nombre minimum de moules d’enseignes (NM)
; ce dernier a été reconstitué sur la base de la comparaison de l’ensemble des exemplaires connus pour un même type.
Si deux moules différents peuvent parfois être très proches et ne se distinguer que par des différences minimes de
gravure, le même sujet peut au contraire avoir été traité de façon très différente d’un moule à l’autre. L’examen des
pièces de notre corpus nous permet d’induire l’existence d’au moins deux cent vingt moules. Seules les variantes
iconographiques majeures (Michel saurochtone et Michel pesant les âmes, par exemple) sont distinguées au sein de
chaque type concerné. Les légendes sont en latin pour les prières ; elles sont parfois en français pour la simple
identification du personnage ou de la scène 1. Elles ont été retranscrites exactement avec en note, lorsque cela
s’imposait pour les légendes latines, la correspondance selon les normes du latin classique.
Ancien Testament
Type
Description
F
1. Adam et Ève
(frg.2)
Adam et Ève, nus. Entre eux, l’arbre de A
la connaissance se termine sous la
forme d’un dragon à tête humaine dont
les bras sont des branches.
18
NE
NM
1
1
Christ. Scènes narratives
2. Annonciation
Marie, agenouillée, lit ; elle reçoit la
visite de l’archange Gabriel derrière
elle à droite. Les premiers mots de la
salutation angélique apparaissent dans
un phylactère qui s’élève des mains de
Gabriel : AVE . GRACIA 3.
3. Nativité
Marie, à gauche, et Joseph, à droite,
dans l’étable, de part et d’autre de la
mangeoire où se trouve l’enfant Jésus.
Bœuf et âne derrière eux. Un berger
observe la scène par la fenêtre.
4. Crucifixion
Marie et Jean de part et d’autre du
Christ en croix. Au dessus de sa tête, le
titulus portant l’inscription INRI parfois
flanqué du soleil et de la lune. Au pied
de la croix, parfois, un crâne et un tibia.
5. Christ et Marie
Marie-Madeleine, assise, vêtue d’un
Madeleine ou Noli me épais manteau et tenant un flacon de
parfum, regarde le Christ ressuscité à
tangere
droite. Celui-ci, debout, tend la main
pour arrêter l’élan de la femme qui veut
se lever. Il tient une bêche de la main
gauche et porte les stigmates de la
crucifixion. Entre eux, un arbre bien
taillé ; à son pied, une fleur de lis.
B
1
1
B
2
1
A, B, D 16
11
A
3
1
B
2
2
A, B
5
3
A, B
23
7
A
3
2
Vierge à l’enfant couronnée, assise sur A
un trône flanqué de deux anges tenant
des chandeliers. À ses pieds, un enfant
emmailloté.
B
Vierge à l’enfant en costume XVIe
siècle très réaliste. Légende : O .
1
1
1
1
1
1
2
2
2
1
Christ. Emblèmes
6. Exaltation de la
Croix
Deux anges présentent la Croix sur
laquelle sont visibles le titulus, les clous
de la Passion et la couronne d’épines.
7. IHS
Grand « IHS » calligraphié sur un fond
quadrillé.
8. Suaire de LireyTrois évêques présentent le Suaire sur
Chambéry.
lequel apparaît le corps du Christ de
face, ou de face et de dos, les mains
croisées. Légende : LE . SVAIRE . DE . IHS
ou S . SVAIRE.
9. Sainte Face / Voile Voile de Véronique sur lequel s’est
de Véronique ou
imprimée la face du Christ barbu, tête
mandylion
nue et en gloire. Légende : ADORAMVT +
TE + CRISTE + BENEDICIMVT + STE 4.
Vierge
10. Vierge à l’enfant
indéterminée 1
11. Vierge à l’enfant
indéterminée 2
MATER . DEI +
MEMANTO . ME 5.
12. Vierge à l’enfant
indéterminée 3
13. Vierge à l’enfant
indéterminée 4 (frg.)
14. Vierge à l’enfant
indéterminée 5
Vierge à l’enfant trônant et couronnée G
de face. L’enfant tient un globe.
Vierge à l’enfant trônant, l’enfant Jésus D
est assis sur un pupitre (?) à gauche. À
droite, élément manquant.
Vierge à l’enfant assise sur un large A
socle de pierre (?). Elle soutient
l’enfant Jésus et un livre. Légende : O .
MATER . DEI . MEMANTO . ME.
19
15. Vierge à l’enfant
indéterminée 6
Vierge à l’enfant debout à gauche.
Autour d’elle, décors floraux. Le tout
dans une couronne florale.
16. ND des sept
La Vierge, agenouillée, tient les mains
douleurs
jointes sur sa poitrine transpercée de
sept épées. Devant elle, une fleur.
17. Pietà
Au premier plan, Marie soutient le
accompagnée des
corps du Christ. Derrière eux, croix du
Arma Christi
supplice entourée de deux croix en Tau
; les trois croix supportent les
instruments de la Passion, parmi
lesquels des fléaux, la couronne
d’épines, la lance, l’éponge au bout de
la lance.
18. Vierge en gloire / Vierge à l’enfant, couronnée ou tête
Vierge de
nue, nimbée du soleil, un croissant de
l’apocalypse
lune à ses pieds. L’enfant peut tenir
une fleur ou un globe terrestre.
Légende : O + MATER + DEI + MEMANTO
+ MEI.
19. ND de Boulogne
Vierge à l’enfant dans une nef sur la
mer. Légende : + O . MATER . DEI .
MEMANTO . ME ou DE + BOVLONGNIE 6.
20. ND de Liesse
Vierge noire de Liesse sur un trône.
Devant elle, l’enfant Jésus les bras
ouverts. De part et d’autre, deux autres
saintes à l’enfant. Légende : LIES ou
LIENSE.
21. ND du Mont
Vierge à l’enfant trônante et
Roland
couronnée. À droite, un personnage (nu
?) tenant une croix de procession, court
dans sa direction. Légende : NOTRE
DAME DU MONT ROLANT.
22. ND de la Poterie ? Vierge à l’enfant debout de face.
Arrière-plan en damier pouvant
évoquer la corporation de l’hôpital de
Notre-Dame-de-la-Poterie 7.
A
1
1
A
1
1
A
1
1
A, B
13
8
23. André
A, B, G 6
4
A
3
2
A
1
1
G
2
1
A, B
11
6
A, B
10
4
B
1
1
A
1
1
Saints
24. Antoine
25. Bavon de Gand
26. Corneille
André, debout, tient la croix de son
supplice dans la main gauche et un
livre dans la droite. Légende : S
ANDREA ORA PRO NOBIS ou S + ANDREA
ou S/A.
Antoine debout en moine. Il peut être
accompagné de plusieurs attributs :
livre, chapelet, cloche, tau, cochon. Sur
une variante, il repousse le diable.
Légende : S/A ou SARITE + ANON’ + ORA
+ PRO + ME 8.
Bavon, vêtu en noble, tient un faucon
posé sur la main gauche ; sa main
droite est plongée dans une escarcelle.
Au second plan, une tour surmontée
d’une cloche et une ville (Gand ?).
Corneille, debout de face, en pape, tient
une croix de procession et un cor de
chasse qui rappelle son nom. À sa
gauche, un homme en prière ; à sa
droite, un autre personnage, peut-être
un paralytique.
20
27. Charlemagne
28. Christophe
29. Claude
30. Éloi de Noyon 10
31. Étienne
32. Fiacre
33. François
34. Georges
35. Grégoire le
Grand (frg.)
36. Hubert de Liège
37. Jacques le
Majeur
Charlemagne, debout à gauche, coiffé
de la couronne impériale et auréolé, en
habit militaire, tient une épée dans la
main gauche et un globe dans la droite.
Écu à l’aigle bicéphale.
Christophe, en pèlerin, courbé, s’aide
de son bâton pour porter sur son dos à
travers le fleuve le Christ enfant qui
tient un globe. Sur une des deux rives,
l’ermite de la légende tend une
lanterne.
Claude, debout, en évêque, tient une
croix de procession et parfois un livre.
Légende : S . CLAVDI . ORA . PRO . NOBIS
ou S . CLAVDE . ORA . PRO . NOBIS ou +
SANCTE + CLAVDI ou S/C 9.
Variante 1. Éloi, debout, en évêque,
tient une croix de procession et un
livre. Légende : S/E.
Variante 2. Éloi, à gauche, façonne un
fer à cheval en le frappant sur une
enclume ; derrière lui un fer chauffe sur
une forge ; d’autres fers sont accrochés
au mur.
Étienne, debout en diacre, vêtu de la
dalmatique tient la palme du martyre et
un livre. Légende : SANCTE +
STEPHANE.
Fiacre, en moine, debout, tient une
bêche dans la main gauche et un livre
dans la droite. Légende : S + FIACRI +
ORA + PRO + NOBIS.
Saint François d’Assise, en moine,
ploie le genou ; il reçoit les stigmates
d’un Christ en croix porté par un ange.
Légende : + [SANCT]E + FRAN+CICE + 11.
Georges, en chevalier et à cheval,
transperce de sa lance le dragon qui se
tord sur le sol. La princesse de la
légende est en prière devant lui et le
couple royal dans un château
schématique à l’arrière.
Messe de saint Grégoire. Le pape, tête
nue mais auréolée, à genoux, célèbre la
messe devant un autel sur lequel est
posé un livre et où apparaît le Christ de
douleur (non conservé). Un acolyte
tient son manteau et un cierge.
Variante 1. Hubert, à cheval à droite,
souffle dans un cor de chasse et
poursuit le cerf crucifère ; un chien
sous les pattes du cheval et un ange
tendant une étoffe dans le ciel. Légende
: S + HVMBER ou S. HVMBERT.
Variante 2. Hubert, en prière au pied de
son cheval, face au cerf, parfois
accompagné d’un second personnage
et/ou d’un chien.
Variante 1. Jacques debout, tenant son
bourdon et un livre, en pèlerin.
Légende : [S] + JACOB[E +] ORA + PRO +
NOBIS ou + SANCTE + IACOBE.
Variante 2. Le même, assis encadré de
deux personnages en prière. Légende :
S/J.
21
A
1
1
B
1
1
A, B
12
7
A, E
4
2
B
1
1
A
1
1
B
4
1
A
1
1
B, H (?) 5
3
A
1
1
A, B
9
3
A, B, D, 8
E
4
A, B, D
4
4
A
3
1
38. Jean Baptiste
39. Julien de
Vouvantes
Variante 1. Jean Baptiste, debout à A, B
droite, tient l’agneau pascal.
Variante 2. Hérode à droite livrant la A
tête du saint à Salomé à gauche.
Légende : ECCE CAPV + S + IOHANIS +
BATISTE + IVDISCO 12.
Julien, en armure, tient une lance ornée A, B, G
d’un pennon et un bouclier orné d’une
croix. À sa gauche, une paire de ceps
(entraves). Légende : SAINCT IVLIAN DE
VOVANT ou SAINCT + IVLIAM + DE +
11
5
1
1
5
4
2
2
2
1
2
1
B
1
1
A, B
40
8
A, B
5
4
B
6
2
VOVANTE 13.
40. Julien
l’Hospitalier
41. Louis roi des
Français
42. Mansuy de Toul
Julien, debout ou accroupi dans la D
partie gauche de sa barque, la fait
avancer à l’aide d’une rame. À l’autre
bout de la barque, sa femme,
surmontée d’étoiles, tient une lanterne.
Il font passer le Christ, en habit de
pèlerin, portant une coquille, debout au
centre
Louis IX (Saint Louis), debout de face, A
couronné, vêtu d’un manteau royal
semé de fleurs de lys, tenant le sceptre
et la main de justice. Légende : + S +
LVDOVICVS + + FRANCORON +REX + 14.
Mansuy, debout à gauche, en évêque et A
tenant une croix de procession, bénit le
jeune fils du gouverneur qui s’est noyé
dans la Moselle. Légende : SANCTV . E .
MONDU 15.
43. Martin de Tours
44. Mathurin de
Larchant
45. Michel
46. Nicolas
47. Pierre
Martin, en habit de noble, sur son
cheval, coupe son manteau de son épée
et en donne une partie au mendiant,
appuyé sur une canne, à droite.
Légende : S/M.
Mathurin debout au centre, tenant un
livre, fait le signe de croix pour
exorciser Théodora, couronnée, dans
l’attitude de la prière, à sa gauche. Le
démon chassé s’élève de la tête de la
jeune fille en se tordant. Parfois,
derrière le saint, l’empereur Maximien,
en prière, et/ou une paire de ceps.
Légende : S/M ou S MATVRIN.
Variante 1. L’archange ailé, vêtu d’une
armure, tient un bouclier orné d’une
croix et terrasse de son épée levée le
dragon (ou un démon) qu’il maintient
au sol de son pied.
Variante 2. Michel pèse les âmes : un
démon à droite entraîne hors de la
balance le damné, tandis qu’un ange à
gauche accueille le juste.
Nicolas debout à gauche, en évêque,
mitré, tenant une crosse, bénit de sa
main droite les trois enfants qui, debout
dans le saloir, s’apprêtent à en sortir.
Derrière lui, parfois, une ville. Légende
: S BEATE PATER NICOLAS [ORA PRO]
NOBIS ou S . NICOLAE . ORA . PRO . NOBIS
ou S . NICOLAS . ORA . PRO . NOBIS ou
BEATE . SANCTE . NICOLAE . ORA . PRO .
NOBIS . M.
Pierre, en apôtre, à gauche, tient une
clé dans la main gauche et un livre
dans la droite. Légende : S/P.
22
A, B, D, 18
K, L
11
B
1
3
48. Quentin
Variante 1. Quentin, assis sur un banc
de face, mi-nu, flanqué de deux soldats
qui lui plantent des broches dans les
épaules.
Variante 2. Buste de Quentin, tonsuré,
de face, des broches plantées dans les
épaules. Légende : SANCTE . CANTINNE .
ORA . PRO . NOBIS . DIEX 16.
Variante 3. Quentin, de face, presque
nu, les mains, les jambes et les pieds
entravés, des broches plantées dans les
épaules.
49. Quirin de Neuss Quirin debout à gauche, en soldat, tient
une targe semée de besants et une lance
portant un gonfanon semé de même.
Légende : SANCTE + CIRINVE + ORA +
PRO + NOBIS 17.
50. Roch
Roch, en pèlerin, debout de face,
exhibe sa blessure. A droite, le chien, à
gauche, un ange. Légende : S / ROC.
51. Sébastien
Sébastien, quasi nu, debout, les mains
liées à un arbre, est transpercé de
flèches par un archer à gauche ou deux
archers de part et d’autre. Parfois, un
carquois au sol.
52. Servais de
Variante 1. Servais, debout, barbu, en
évêque, mitré, tenant une crosse et une
Tongres
croix. À ses pieds, le dragon terrassé.
Un modèle figure ses attributs : une
coupe et une étoffe.
Variante 2. Servais, en évêque, avec les
mêmes attributs mais imberbe et sans
le dragon. Derrière lui, une ville.
Légende : S + SAIRVESIX 18.
53. Simon de Cyrène Simon, debout à droite, tient une croix
19
et un livre. Légende : + S + SIMON +
ORA + PRO + NOBIS +.
54. Thibaut de
Thibaut de Provins, vêtu en noble, sur
Provins (frg.) ?
un cheval à gauche, tient une hache
dans la main droite. Devant le cheval,
son ami Gautier l’accompagne au
moment de quitter Provins. Derrière,
une botte et une sacoche (?).
55. Indéterminé (frg.) Évêque tenant une crosse. À sa droite,
face à lui, un personnage suppliant à
genoux, serrant un tissu contre lui
(lépreux ?).
56. Indéterminé 20
Roi couronné à cheval levant son épée
pour frapper un ennemi devant lui.
Sous le cheval, le cadavre d’un autre
ennemi. Armoiries de France sur le
cheval et l’écu. Légende : LYZ.
57. Indéterminé (frg.) Apôtre debout à gauche tenant un livre
et un autre attribut indéterminé.
Légende : S/[…].
58. Indéterminé
Apôtre (?) de face, tenant une croix de
procession.
59. Indéterminé
Homme de face, vêtu d’un large
manteau et coiffé d’un chapeau où est
planté une plume, tenant une fleur dans
la main droite.
23
B
2
1
B
2
1
G
1
1
A
2
2
A, B
3
2
B, E
9
4
A, F, J
10
3
B
1
1
A
3
1
A
1
1
A
1
1
A
1
1
B
1
1
B
1
1
A
1
1
Saintes
60. Anne trinitaire
Anne et Marie assises face à face ; entre
elles, l’enfant Jésus.
Barbe, debout, tient la palme du martyre
et un livre ouvert ; au second plan, la
tour de son supplice. Légende : SANCTA .
BARBARA . ORA . PRO . NOBIS plus ou
moins abrégée ou SANCTA BARBARA.
Catherine, debout de face, couronnée,
foule aux pieds un des savants païens
qu’elle a combattus. Elle tient une épée
et un livre ; derrière elle, la roue du
supplice et une palme.
Hélène, couronnée, exhibe la sainte
tunique. Autour d’elle, les objets de la
Passion : couteau, clou, bâton, dé. Sur
un des modèles, elle tient en outre la
vraie croix.
Marguerite issant du dragon qui se tord
sur le sol, tient une croix de ses mains
jointes en prière. Légende : SANCTA
M[ARGARETA + ORA + PRO +] NOBIS.
Syre, debout, coiffée d’un large
chapeau, tient un livre et un bourdon de
pèlerin. Légende : . S ./. SIRE.
Véronique, debout de face, présente le
voile sur lequel est imprimée la face du
Christ, tête nue.
Sainte indéterminée debout à droite,
tenant un livre. A sa gauche, une
colonne. Légende : SANCTA […].
A
Jacques à gauche, en habit de pèlerin ;
Barbe à droite tient la palme du martyre
et un livre. À l’arrière-plan la tour de
Barbe.
69. Barbe +
Barbe à gauche tient la palme du martyre
Nicolas
et un livre ; Nicolas à droite, en évêque.
Entre eux, les trois enfants sortent du
saloir. Au second plan, la tour de Barbe.
70. Barbe +
Barbe à gauche tient la palme du martyre
Sébastien
et un livre ; Sébastien, à droite, lié à un
tronc, percé de cinq flèches. Entre eux, la
tour de Barbe.
71. Barbe + Vierge Vierge à l’enfant rayonnante de gloire et
couronnée à gauche ; à droite Barbe
tenant la palme du martyre et un livre.
Entre eux, la tour de Barbe.
72. Hélène +
Bustes d’Hélène et de la Vierge face à
Vierge
face. La première tient une maquette
d’église, la seconde l’enfant Jésus.
Devant elles, la sainte tunique, flanquée
d’une tunique en miniature à droite et
d’une étoffe pliée à gauche.
73. Pierre + Paul
Paul, débout à gauche, tient une épée et
un livre ; Pierre à sa droite, debout, tient
une clé et un livre.
74. Véronique +
Véronique, de face, tend le voile portant
Pierre et Paul
la face du Christ coiffé de la couronne
d’épines. Elle est flanquée de Pierre,
tenant sa clé, et de Paul, tenant une épée.
61 Barbe
62. Catherine
d’Alexandrie
63. Hélène
64. Marguerite
d’Antioche (frg.)
65. Syre
66. Véronique
67. Indéterminé
(frg.)
3
2
A, B, C, 71
D, G, M
37
B, G
4
2
B, J
5
2
A
1
1
G
1
1
A, B
3
2
B
1
1
A
1
1
A
6
3
A
1
1
B
3
1
A
1
1
A
1
1
A
1
1
Plusieurs saints
68. Barbe +
Jacques
24
Type laïc
75. Armoiries
Écus de France et d’Anne de Bretagne de A
part et d’autre d’un arbre auquel ils sont
tous les deux liés.
1
1
Personnage entre deux colonnes, une clé A
à sa gauche Légende incohérente :
BNNAVV[…] / SIAD.
Saint ou sainte tenant la palme du A
martyre. Barbe ?
1
1
1
1
Types indéfinissables
76. Indéterminé
(frg.)
77. Indéterminé
(frg.)
Notes du texte
* Nous remercions vivement toutes les personnes qui nous ont transmis les photographies et les données des boutonsenseignes en leur possession ainsi que celles qui nous ont plus largement facilité l’accès à ces données. Notre gratitude va
également à Gisèle Besson (ENS Lyon), Nicole Bériou (Université Lumière, Lyon 2) et Claudia Rabel (IRHT), à qui ce
travail doit énormément, et à Camille Bellenger,pourses conseils et ses dessins.
1. Denis BRUNA, Enseignes de pèlerinages et enseignes profanes. Musée national duMoyen Âge-Thermes de Cluny, Paris,
1996 ; ID., Enseignes de plomb et autres menues chosettes du Moyen Âge, Paris, 2006.
2. KurtKÖSTER, Pilgerzeichen und Pilgermuscheln von mittelalterlichen Santiagostrassen. Saint-Léonard, Rocamadour,
Saint-Gilles, Santiago de Compostela, Neumünster, 1983 (Ausgrabungen in Schleswig, 2) ; Lars ANDERSSON,
Pilgrimsmärken och vallfart. Medeltide pilgrimskultur i Skandinavien, Kumla, 1989 (Lund Studies in Medieval Archaeology,
7) ; Hendrik Jan Engelbert VAN BEUNINGEN et Adrianus Maria KOLDEWEIJ, Heilig en profaan. 1000 laatmiddeleeuwse
insignes uit de collectie H. J. E. Van Beuningen, Cothen, 1993 (Rotterdam Papers, 8) ;H.J. E.VANBEUNINGEN,
A.M.KOLDEWEIJ etDoryKICKEN, Heilig en profaan. 2. 1200 laatmiddeleeuwse insignes uit openbare en particuliere
collecties, Cothen, 2001 (Rotterdam Papers, 12) ; Das Zeichen am Hut im Mittelalter. Europäische Reisemarkierungen.
Symposion in memoriam Kurt Köster (1912-1986) und Katalog der Pilgerzeichen im Kunstgewerbemuseum und im Museum
für ByzantinischeKunst der Staatlichen Museen zu Berlin, dir. Hartmut KÜHNE, Lothar LAMBACHER et Konrad VANJA,
Berlin, 2008 (EuropäischeWallfahrtsstudien, 4) ; Brian SPENCER, Pilgrim Souvenirs and Secular Badges. Medieval Finds
from Excavations in London, Woodbridge-New-York, 2010 ; Jungfrauen, Engel, Phallustiere. Die Sammlung
mittelalterlicher französischer Pilgerzeichen des Kunstgewerbemuseums in Prag und des Nationalmuseums Prag, dir. Carina
BRUMME, Helena KOENIGSMARKOVÁ et H. KÜHNE, Berlin, 2013.
3. Arthur FORGEAIS, Notice sur des plombs historiés trouvés dans la Seine, Paris, 1858. Si ces auteurs n’ont pas eu de
successeurs avant la fin du XXe siècle, c’est très certainement en raison du Revue Mabillon, n.s., t. 28 (= t. 89), 2017, p. 173215. jugement négatif porté sur ces objets considérés comme grossiers et populaires : D. BRUNA, Enseignes de plomb,
op.cit., p. 17-20.
4. Opération « La cour des écoles » menée sous la direction de François Calligny-Delahaye et Serge Mantelé (INRAP) :
Françoise LABAUNE-JEAN, « Une production d’enseignes de pèlerin au Mont-Saint-Michel », Archéopages, t. 18, 2007, p.
80-81 ; Le plomb et la pierre. Petits objets de dévotion pour les pèlerins du Mont-Saint-Michel, de la conception à la
production (XIVe- XVe siècles), dir. F. LABAUNE-JEAN, Caen, 2016 (Publications du CRAHAM. Série antique et
médiévale) ; D. BRUNA et F. LABAUNE-JEAN, « Images de l’archange saint Michel dans les moules à enseignes de
pèlerinage récemment découverts au Mont-Saint-Michel », dans Représentations du Mont et de l’archange saint Michel dans
la littérature et dans les arts, dir. Pierre BOUET, Giorgio OTRANTO, André VAUCHEZ et al., Bari, 2011 (Bibliotheca
Michaelica, 6), p. 183-197.
5. Fouille « Coeur de ville » du service archéologique de laVille deValenciennes. Ces enseignes semblent avoir été jetées
dans la rivière en guise d’ex-voto :ArnaudTIXADOR, Enseignes sacrées et profanes médiévales découvertes à Valenciennes.
Un peu plus d’un kilogramme d’histoire, Valenciennes, 2004,p. 9-13.
6. Loïc BERTON, « Un moule à enseignes pour le Saint Suaire de Lirey (Aube) », Détection passion, t. 92, 2011, p. 24-25 ;
Alain HOURSEAU, Autour du Saint Suaire et de la collégiale de Lirey (Aube),Paris, 2012, p. 233-240. On pourrait ajouter le
corpus de moules d’objets en plomb découvert à Rennes en 1998 mais il ne contient aucun moule d’enseigne à proprement
parler : F. LABAUNE-JEAN, « Quelques enseignes de pèlerins et des moules de production de petits objets en plomb
découverts à Rennes », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 121, no 4, 2014, p. 7-22.
25
7. Les illustrations présentent un échantillon caractéristique de boutons-enseignes qui ne prétend pas être exhaustif car le
choix des modèles représentés a largement dépendu de la qualité des photographies mises à notre disposition.
8. Adrien BLANCHET, « Sur une classe inédite d’enseignes de pèlerinage », Bulletin de la Société nationale des antiquaires
de France, 1923, p. 203-209, ici p. 206 ; John EVANS, « Notes on a Collection of Pilgrims’ Signs or Amulets », Proceedings
of the Society of Antiquaries of London, 2e série, t. 22, 1908, p. 102-117, ici p. 102.
9. Eugène HUCHER, Des enseignes de pèlerinage. Extrait du Bulletin monumental, Caen- Paris, 1853, p. 27-29 ; A.
FORGEAIS, Collection de plombs historiés trouvés dans la Seine. Deuxième série. Enseignes de pèlerinage, Paris, 1863, p.
180-181 ; Louis DANCOISNE, Les médailles religieuses du Pas-de-Calais, extrait des Mémoires de l’Académie d’Arras,
Arras 1880, p. 26-27.
10. E. HUCHER, Des enseignes de pèlerinage, op. cit., p. 26.
11. A. BLANCHET, « Sur une classe inédite d’enseignes », art. cit., p. 203. Même comparaison dans J. EVANS, « Notes on
a Collection », art. cit., p. 102.
12. L. BERTON, « Les boutons-enseignes (a) », Détection passion, t. 46, 2003, p. 12-14 ; ID., « Les boutons-enseignes (b) »,
Détection passion, t. 87, 2010, p. 46-50.
13. Camille ENLART, Manuel d’archéologie française depuis les temps mérovingiens jusqu’à la Renaissance. Tome III. Le
costume, Paris, 1916, p. 247-249 ; Chiara FRUGONI, Le Moyen Âge sur le bout du nez. Lunettes, boutons et autres
inventions médiévales, Paris, 2011 (Les Belles Lettres. Histoire), p. 133-134.
14. D. BRUNA, Enseignes de plomb, op. cit., p. 54-55.
15. Odile BLANC, Parades et parures. L’invention du corps de mode à la fin du Moyen Âge, Paris, 1997 (Le temps des
images), p. 73-76.
16. Audrey SULPICE, « LeTreictié des nouvelletez dou monde », dans Sens, rhétorique etmusique. Études réunies en
hommage à Jacqueline Cerquiglini-Toulet, dir. Sophie ALBERT, Mireille DEMAULES, Estelle DOUDET et al., Paris, 2015
(Colloques, congrès et conférences sur le Moyen Âge, 21), p. 723-735, ici p. 730. Le rapprochement n’a pas été fait dans la
recherche actuelle entre les enseignes et les boutons : ces deux groupes d’objets demeurent traditionnellement cantonnés,
pour le premier, dans les champs de l’histoire et de l’art religieux, et pour le second, dans le domaine de l’histoireducostume
(voir par exemple,C.ENLART,Manuel d’archéologie française, op. cit., p. 247-249, 302-305). Les boutons-enseignes
invitent à interroger leurs rapports. Bien que la période qui nous occupe n’y soit pas abordée, on trouvera, sur le bouton, une
bibliographie importante mais caractéristique de cette frontière dans le catalogue de l’exposition qui lui a été consacrée en
2015 au musée des Arts décoratifs : Dé-boutonner la mode, dir. Véronique BELLOIR, Paris.
17. A. BLANCHET, « Sur une classe inédite d’enseignes », art. cit., p. 206 : « Les types décrits ici indiquent une évolution
artistique déjà accentuée, et d’autre part, les trois légendes relevées, bien que renfermant encore des M, A et E de forme
ancienne, indiquent une époque tardive dans le XVe siècle, et la forme de D paraît fréquemment sur les monnaies de Louis
XII [1498-1515]. » Voir aussi J. EVANS, « Notes on a Collection », art. cit., p. 103 : « As to date, the style of drawing and
the lettering of some of the inscriptions point to a period between the last quarter of the fifteenth century and the first half of
the sixteenth. »
18. A. HOURSEAU, Autour du Saint Suaire, op. cit., p. 239. Même datation dans D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et
enseignes profanes, op. cit., p. 62.
19. Avec les sept glaives en deux groupes de trois et quatre glaives : Pascal-Raphaël AMBROGI et Dominique LE
TOURNEAU, Dictionnaire encyclopédique de Marie, Paris, 2015, p. 553.
20. D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 143.
21. Cette durée équivaut à trois ou quatre générations d’artisans et l’on peut supposer que les moules étaient transmis sur
plusieurs générations comme le montre D. BRUNA dans Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 60, à
propos des moules d’enseignes en plomb-étain parfois réutilisés pendant plusieurs siècles.
22. D. BRUNA, « Témoins de dévotions dans les livres d’heures à la fin du Moyen Âge », Revue Mabillon, n. s., t. 9 (= t.
70), 1998, p. 127-161, ici p. 129-133. On trouve néanmoins la trace d’images pieuses dès le début du XVe siècle : A.
VAUCHEZ, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation et les documents
hagiographiques, 1re éd. Rome-Paris, 1981 ; Rome-Paris, 1988 (Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome,
241), p. 527.
23. L’analyse a donné précisément les proportions suivantes : Cu 61,22 %, Sn 28,69 %, Zn 4,38 %, Pb 4,13 %, Fe 1,38 %,
Ag 0,19 %. Voir : Portable Antiquities Scheme database [en ligne], URL : https ://finds.org.uk/database, identifiant : WMIDC2E4D4, dernière mise à jour le 20/05/2015, page consultée le 23/08/2017. Pour les hypothèses anciennes : « cuivre fort
26
argenté [qui] paraît avoir été niéll[é] autrefois » (L. DANCOISNE, Les médailles religieuses du Pas-de-Calais, op. cit., p. 26)
; « bronze plus ou moins blanchâtre » (A. BLANCHET, « Sur une classe inédite d’enseignes » art. cit., p. 203) ; « bronze,
occasionally with so large a proportion of tin in it as to form a ‘‘speculum metal’’ » (J. EVANS, « Notes on a Collection »,
art. cit., p. 103) ; « bronze étamé » (Thierry LEINENWEBER, Les boutons-enseignes en bronze étamé du XVe/ XVIe siècles,
[en ligne], URL : http://medailles-religieuses.blog4ever.com/article, mise en ligne et dernière mise à jour le 24/02/2014, page
consultée le 23/08/2017 ; « bronze à forte proportion d’étain imitant l’argent » (L. BERTON, « Les boutons-enseignes [b] »,
art. cit., p. 46). Cet alliage présente le défaut d’être très cassant, comme en atteste la grande quantité d’exemplaires
fragmentaires (102 soit le quart du corpus), bien que le zinc et le plomb soient censés en augmenter la malléabilité.
24. Daté « fin XVe s. », il est conservé au musée de Cluny et a été publié dans D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et
enseignes profanes, op. cit., p. 191 (cat. 289).
25. D. BRUNA, Enseignes de plomb, op. cit., p. 74.
26. La forme de treize exemplaires fragmentaires n’a pas pu être identifiée.
27. La classification que nous proposons ici comporte d’inévitables limites : plusieurs exemplaires présentent une forme
intermédiaire notamment entre B et E ; la formeHest douteuse car connue uniquement par un exemplaire fragmentaire qui
pourrait correspondre à la forme G ; la forme N, citée dans une étude, ne correspond à aucun exemplaire de notre corpus (Th.
LEINENWEBER, Les boutons-enseignes en bronze étamé, op. cit.) mais la mentionner nous permet de prendre en compte la
totalité des formes connues à ce jour.
28. L. BERTON, « Les boutons-enseignes (b) », art. cit., p. 46.
29. Il confirme ainsi l’intuition de J. EVANS, « Notes on a Collection », art. cit., p. 103 et 117.
30. E. HUCHER, Des enseignes de pèlerinage, op. cit., p. 28-29.
31. A. FORGEAIS, Collection de plombs historiés, op. cit.
32. L. DANCOISNE, Les médailles religieuses du Pas-de-Calais, op. cit., p. 26.
33. J. EVANS, « Notes on a Collection », art. cit.
34. A. BLANCHET, « Sur une classe inédite d’enseignes », art. cit.
35. Ibid., p. 203 et 205.
36. J. EVANS, « Notes on a Collection », art. cit., p. 102-104. Malgré la proximité des deux publications, rien ne permet
d’affirmer qu’A. Blanchet ait eu connaissance de l’article de son prédécesseur anglais.
37. A. BLANCHET, « Sur une classe inédite d’enseignes », art. cit., p. 209.
38. Henry-René D’ALLEMAGNE, Les accessoires du costume et du mobilier depuis le treizième jusqu’au milieu du dixneuvième siècle. Ouvrage contenant 393 phototypies reproduisant plus de 3 000 documents, 3 vol., Paris, 1928, vol. I, pl.
XVI.
39. Notamment à l’ouvrage de L. DANCOISNE, Les médailles religieuses du Pas-de-Calais, op. cit.
40. D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 62.
41. L. BERTON, « Les boutons-enseignes. Suite », Détection passion, t. 57, 2005, p. 8-10 et 20 ; ID., « Les boutonsenseignes (b) », art. cit., p. 47. Son travail a été un temps poursuivi par Th. Leinenweber : ID., Les boutons-enseignes en
bronze étamé, op. cit. Ils ajoutaient cependant un certain nombre de types qu’ils considéraient comme des boutons-enseignes
(boutons de forme A ou B, présentant le plus souvent une lettrine, parfois un monogramme ou un symbole, gravés en creux)
mais que nous excluons de cette étude pour des raisons de taille (ils sont nettement plus petits), de style, de facture et de sujet
(ils ne représentent jamais de saints personnages ou de reliques) qui les distinguent radicalement de la catégorie ici abordée.
42. La description de chaque type est donnée dans l’annexe ; les nombres entre parenthèses accolés à chaque type
correspondent au nombre d’exemplaires recensés. Deux exemplaires illisibles ont été ignorés.
43. Le IVe siècle en livre, à lui seul, treize (contre cinq pour le IIIe, et un seul pour le IIe).
44. D. BRUNA, Enseignes de plomb, op. cit., p. 99-102 ; A. TIXADOR, Enseignes sacrées et profanes, op. cit., p. 19-50.
45. D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 62.
27
46. ID., Enseignes de plomb, op. cit., p. 64.
47. ID., Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 156-160 ; A. TIXADOR, Enseignes sacrées et profanes,
op. cit., p. 34-35.
48. Il en va de même pour Notre Dame de Liesse, Éloi et Servais.
49. D. BRUNA, Enseignes de plomb, op. cit., p. 71-73.
50. Ibid., p. 58.
51. E. HUCHER, Des enseignes de pèlerinage, op. cit., p. 26-28 ; A. FORGEAIS, Collection de plombs historiés, op. cit., p.
180-181 ; L. DANCOISNE, Les médailles religieuses du Pas-de- Calais, op. cit., p. 27 ; A. BLANCHET, « Sur une classe
inédite d’enseignes », art. cit., p. 205-209.
52. E. HUCHER, Des enseignes de pèlerinage, op. cit., p. 28-29 : « Cette enseigne [de sainte Barbe] est-elle un signe de
pèlerinage ou une médaille de confrérie ? Je ne saurais le dire. [...] [Elle peut] fort bien avoir été, au commencement du XVIe
siècle, la médaille de corporation des canonniers [...] Rien n’empêche de supposer que notre enseigne figurait au XVIe siècle,
soit au bonnet, soit au pourpoint des compagnons du Tonnoire. » Il se refusait néanmoins à trancher et favorisait l’hypothèse
d’une enseigne de pèlerinage. Localement, il n’est pas impossible que certains boutons-enseignes aient été des enseignes de
corporation ; à ce niveau, il n’y a toutefois plus vraiment de différence entre une pratique personnelle de dévotion et la
manifestation de l’appartenance à une communauté qui se reconnaît particulièrement dans un saint ou une scène religieuse.
53. D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 13-20.
54. ID., Enseignes de plomb, op. cit., p. 88-90, ici p. 89 : « Au Puy [...] les pèlerins pouvaient acheter, en plus de l’enseigne à
l’image de la Vierge, celles représentant saint Michel, saint Georges ou sainte Catherine. »
55. L’assimilation systématique, tentante mais trop réductrice, des boutons-enseignes à des enseignes de pèlerinage a de fait
été remise en cause dès le début du XXe siècle, par J. Evans, et plus récemment par L. Berton.
56. Letype des armesd’Annede Bretagne (parties dès la signature de l’union avec Charles VIII en 1491), l’absence de devise
et le type indéfini de l’arbre ne permettent pas de trancher. Le motif de l’écu suspendu à un arbre, fréquent dès le XIVe siècle,
est ici un symbole de fécondité, de pérennité de la dynastie (un enjeu crucial pour les souverains concernés) ; ce type de mise
en scène est fréquent dans les décors d’entrées, les marques d’imprimeurs, etc. Le choix de ramener à trois les hermines de
Bretagne, d’ordinaire en semé, en miroir des lys de France, permet de recomposer des armes avec un lis entier, une hermine
entière et un demi lis-hermine ; cette mise en forme semble plutôt rare (informations aimablement fournies par Laurent
Hablot).
57. Plusieurs modèles commémorent des funérailles (Prince Noir, Bertrand du Guesclin), la manifestation de l’appartenance à
un parti ou des fêtes profanes :D. BRUNA, Enseignes de plomb, op. cit., p. 155-161 ; D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et
enseignes profanes, op. cit., p. 277-298.
58. L. BERTON, « Les boutons-enseignes (b) », art. cit., p. 46.
59. J. EVANS, « Notes on a Collection », art. cit., p. 103.
60. Louis RÉAU, Iconographie de l’art chrétien, 3 t. en 6 vol., Paris, 1955-1959, vol. III/1 : Iconographie des saints. A-F, p.
169-170 ; Gaston DUCHET-SUCHAUX et Michel PASTOUREAU, La Bible et les saints. Guide iconographique, Paris,
1990, p. 56-57 ; Mario LONGTIN, « Maçons, trois fenêtres s’il vous plaît ! Le Mystère de sainte Barbe en 5 journées. Un
décor qui se construit ? », dans Par la fenestre. Études de littérature et de civilisation médiévales, dir. Chantal
CONNOCHIE-BOURGNE, Aix-en-Provence, 2003 (Senefiance, 49), p. 307-318, ici p. 307 ; D. BRUNA, Enseignes de
pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 120 ; D. BRUNA, « Témoins de dévotions », art. cit., p. 133 et 139.
61. Son père et bourreau avait été frappé par la foudre après l’avoir décapitée.
62. L. RÉAU, Iconographie de l’art chrétien, op. cit., vol. III/1, p. 170-173.
63. Cité par L. RÉAU, ibid., p. 171.
64. Aucune Vie ne rapporte cette promesse qui n’en est pas moins fermement ancrée dans l’imaginaire populaire : Hélène
MILLET, « Eustache Deschamps, précoce témoin de la dévotion aux ‘‘saints privilégiés’’ », dans Eustache Deschamps,
témoin et modèle. Littérature et société politique (XIVe-XVIe siècles), dir. Thierry LASSABATÈRE et Miren
LACASSAGNE, Paris, 2008 (Cultures et civilisations médiévales, 41), p. 159-171, ici p. 159-160.
65. Petr HLAVÁCˇEK, « Vierzehn Nothelfer. Ein Kulturkode des mitteleuropäischen Spätmittelalters ? », dans La Cour
céleste. La commémoration collective des saints au Moyen Âge et à l’époque moderne. Actes du colloque de Villetaneuse et
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de Paris (Université Paris 13-Sorbonne Paris Cité et EHESS, 31 mai-2 juin 2012), dir. Olivier MARIN et Céline VINCENTCASSY, Turnhout, 2014 (Répertoire iconographique de la littérature du Moyen Âge. Les études du RILMA, 6), p. 261-267,
ici p. 261 ; H. MILLET, « Eustache Deschamps », art. cit., p. 160-161 ; L. RÉAU, Iconographie de l’art chrétien, op. cit.,
vol. III/2 : Iconographie des saints. G-0, p. 681-682 ; Lexikon der Christlichen Ikonographie, dir. Engelbert KIRSCHBAUM
et Wolgang BRAUNFELS, 8 vol., Rome-Fribourg-Bâle et al., 1968-1976, vol. VIII : Ikonographie der Heiligen, p. 546-550.
66. H.MILLET, « Eustache Deschamps », art. cit., p. 159-171 ; EAD., « Expressions d’une foi », dans Eustache Deschamps
en son temps, dir. Jean-Patrice BOUDET et H. MILLET, Paris, 1997 (Textes et documents d’histoire médiévale, 1), p. 63-87.
67. OEuvres complètes de Eustache Deschamps publiées d’après le manuscrit de la Bibliothèque nationale, éd. marquis de
QUEUX DE SAINT-HILAIRE et Gaston RAYNAUD, 11 vol., Paris, 1878-1903 (Publications de la Société des anciens
textes français), vol. I, ball. 32, p. 114-115.
68. Ottó GECSER, « Holy Helpers and the Transformation of Saintly Patronage at the End of the Middle Ages », Annual of
Medieval Studies at CEU, t. 22, 2016, p. 174-201, ici p. 190-199 : seules Catherine et Marguerite, parmi les saints qui nous
occupent, ont un pouvoir auxiliaire dans la Légende dorée de Jacques de Voragine !
69. L. RÉAU, Iconographie de l’art chrétien, op. cit., vol. III/2, p. 680-683.
70. H.MILLET, « Eustache Deschamps », art. cit., p. 159. Cette liste, nous le verrons, a une aire de diffusion proche de celle
des boutons-enseignes : Paris, Troyes, Mons en Belgique (ibid., p. 165-167).
71. Il n’y a pas cependant de rapport direct entre les boutons-enseignes et les listes d’intercesseurs.
72. Decem praecepta Wittenbergensi praedicata populo. 1518 dans D. Martin Luthers Werke. Kritische Gesamtausgabe, 80
vol.,Weimar, 1883-1929, vol. I, p. 398-521 ; JEAN GERSON, OEuvres complètes, éd. Palémon GLORIEUX, 10 t. en 11
vol., Paris, 1960-1973, vol. VIII : L’œuvre spirituelle et pastorale, p. 108. Ces textes sont cités, avec d’autres, dans O.
GECSER, « Holy Helpers », art. cit., p. 179-190.
73. Les études sur les saints thaumaturges sont nombreuses, on se reportera en particulier à A. VAUCHEZ, La sainteté en
Occident, op. cit., p. 544-558, qui met en évidence l’élargissement, à la fin du Moyen Âge, des circonstances d’invocation
des saints, et à Jacques PAUL, « Miracles et mentalité religieuse populaire à Marseille au début du XIVe siècle », Cahiers de
Fanjeaux, t. 11 : La religion populaire en Languedoc du XIIIe siècle à la moitié du XIVe siècle, 1976, p. 61-90.
74. Sur la formulation des voeux précédés d’une parole d’invocation : J. PAUL, « Miracles et mentalité religieuse populaire
», art. cit., p. 73-86.
75. A. VAUCHEZ, La sainteté en Occident, op. cit., p. 519-529. Voir également J. PAUL, « Miracles et mentalité religieuse
populaire », art. cit., p. 69-86.
76. A. VAUCHEZ, La sainteté en Occident, op. cit., p. 522-524.
77. Les boutons-enseignes trouvés hors de France (et toujours dans des pays frontaliers) ne sont ni assez nombreux, ni assez
bien localisés pour être analysés statistiquement : treize aux Pays-Bas, sept en Angleterre, deux en Belgique et un en
Confédération helvétique.
78. Cette reconstitution se fonde sur le pseudonyme de l’inventeur lorsqu’il permet d’identifier un numéro de département ou
sur la localisation de l’objet dans le cas d’une vente. Malgré des limites certaines, elle est statistiquement satisfaisante :
l’application de cette méthode à des exemplaires dont la provenance était par ailleurs connue avec certitude montre qu’elle
est valable dans approximativement deux cas sur trois.
79. Moyenne du pourcentage des exemplaires dont la provenance est certaine et du pourcentage des exemplaires dont la
provenance est hypothétique.
80. D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 171, propose de rattacher certaines enseignes en
plomb de Marie-Madeleine au sanctuaire provençal de la basilique de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. Les boutonsenseignes, qui représentent la rencontre avec le Christ ressuscité (Noli me tangere), s’éloignent cependant de la tradition
provençale de Marie-Madeleine prédicatrice ou retirée au désert.
81. Aucun exemplaire n’a été découvert parmi les petits objets de dévotion trouvés à proximité du Mont-Saint-Michel ce qui
laisse entendre que les boutons-enseignes de ce saint n’étaient pas liés au pèlerinage normand, contrairement aux époques
antérieures (Le plomb et la pierre, op. cit.). Nous le considérons donc comme un saint universel ; son culte était effectivement
très développé : Paul PERDRIZET, Le calendrier parisien à la fin du Moyen Âge d’après le bréviaire et les livres d’heures,
Paris, 1933 (Publications de la faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg, 63), p. 227-230.
82. Aucun exemplaire de bouton-enseigne représentant Pierre ou Pierre et Paul n’a été découvert en Italie : les exemplaires
connus reproduisent l’iconographie des plus anciennes enseignes diffusées par la ville romaine (XIII-XIVe siècle) mais
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diffèrent radicalement des plus récentes (XVe). Il s’agit donc là probablement d’un cas d’imitation iconographique et non
d’une production romaine.
83. Nous ne traitons ici que des saints dont le lieu de pèlerinage le plus fréquenté dans la fourchette chronologique qui nous
occupe se trouve en France ou dans les régions qui lui sont frontalières, et où ont été découverts les boutons-enseignes.
84. Étant donné que pour un type déterminé le nombre d’exemplaires dont la provenance est connue est souvent très restreint,
l’approche statistique est moins fiable et n’a pu être appliquée qu’à une dizaine de types : Crucifixion, Suaire de LireyChambéry, Vierge en gloire, André, Claude, Hubert, Mathurin, Michel, Nicolas, Barbe seule ou accompagnée. Il est
impossible d’étudier systématiquement ici l’ensemble des cas de figure.
85. La provenance de dix-neuf exemplaires est connue avec certitude ; celle de huit autres est hypothétique.
86. La provenance de douze exemplaires est connue avec certitude ; celle de six autres est hypothétique. Rien ne soutient
l’hypothèse, uniquement fondée sur la localisation des exemplaires, d’un lien avec l’abbaye Saint-Nicolas de Septfontaines
(Haute-Marne) : Th. LEINENWEBER, Les boutons-enseignes en bronze étamé, op. cit.
87. D. BRUNA, Enseignes de plomb, op. cit., p. 101-102.
88. L’étude a pu être réalisée pour la Crucifixion, la Vierge en gloire, le Saint Suaire, André et Michel.
89. D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 13-20. La distinction entre enseignes sacrées et
enseignes profanes n’est pas plus pertinente selon lui puisque les deux catégories étaient produites et vendues dans les mêmes
ateliers et dans les mêmes échoppes. L’enseigne aux armoiries, une probable commande exceptionnelle pour célébrer une
union royale, s’inscrit dans ce contexte.
90. D. BRUNA, Enseignes de plomb, op. cit., p. 87-91, ici p. 91.
91. Celles-ci déclinent rapidement dans les premières décenniesduXVIe siècle pour des raisons qu’expose D. Bruna dans
Enseignes de pèlerinage et enseignes profanes, op. cit., p. 13-14.
92. L. BERTON, « Les boutons-enseignes (a) », art. cit., p. 12. S’opposent à ce point de vue aussi bien la chronologie
(plusieurs décennies semblent séparer la disparition des boutons-enseignes, au cours de la première moitié du XVIe siècle, de
l’apparition des médailles) que l’aire de diffusion limitée de ces objets.
93. La production d’enseignes y est attestée dans le deuxième quart du XVe siècle : Le plomb et la pierre, op. cit., p. 48-51 et
61-75. Certaines enseignes sont néanmoins datées du début du XVIe siècle : D. BRUNA, Enseignes de pèlerinage et
enseignes profanes, op. cit., p. 192-193. 94. F. Labaune-Jean dans Le plomb et la pierre, op. cit., p. 181-202 a récemment
dressé un bilan des découvertes de moules à enseignes de pèlerinage.
95. J. EVANS, « Notes on a Collection », art. cit., p. 103 : « The designs are without exception artistically drawn, and it
seems not improbable that more than one of them are by the same hand though representing different saints. »
96. Le plomb et la pierre, op. cit.
97. Voir la synthèse, toujours d’actualité, de D. BRUNA, Enseignes de plomb, op. cit., p. 53-104.
98. En suivant l’exemple des enseignes en plomb : D. BRUNA, Enseignes de plomb, op. cit., p. 65-68.
99. Jérôme BASCHET, « Inventivité et sérialité des images médiévales. Pour une approche iconographique élargie »,
Annales. Histoire, sciences sociales, 51e année, vol. 1, 1996, p. 93-133. 100. On y trouve fréquemment des représentations
d’Adam et Ève, des scènes des vies de la Vierge etduChrist ainsi que de nombreuses représentations de saints et saintes dans
les suffrages : Véronique, Michel, Jean Baptiste (le plus souvent avec l’agneau pascal, occasionnellement dans la scène de la
présentation de son chef), Pierre et Paul, Jacques, Étienne, Christophe, Sébastien, Nicolas, Claude, Antoine, Catherine,
Marguerite et Barbe apparaissent dans cet ordre dans la plupart des livres d’heures français recensés ; ils sont plus
exceptionnellement accompagnés par Julien l’Hospitalier, François d’Assise ou Roch (l’iconographie des livres d’heures
imprimés a été étudiée en détail dans Heribert TENSCHERT et Ina NETTEKOVEN, Horae B. M. V. 158
Stundenbuchdrucke der Sammlung Bibermühle, 1490-1550, 9 vol., Rotthalmünster-Ramsen, 2003 [Katalog, 50] ; sur ces
recueils, voir plus généralement : P. PERDRIZET, Le calendrier parisien, op. cit.). Les parallèles iconographiques avec les
boutons-enseignes, que nous ne pouvons détailler ici, sont souvent frappants. S’il est impossible d’affirmer que l’inspiration
est directe, les rapports sont évidents et témoignent d’une circulation des images entre ces deux catégories de supports. Les
rapports avec l’iconographie des éditions de la Légende dorée sont en revanche beaucoup plus lointains : Dominique
DONADIEU-RIGAUT, « La Légende dorée et ses images. Quelques jalons pour une histoire des Légendes dorées illustrées
(XIIIe-XXe siècle) », dans JACQUES DE VORAGINE, La Légende dorée, éd. Alain BOUREAU et Monique GALLET,
Paris, 2004 (Bibliothèque de la Pléiade).
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101. Nous avons renoncé, par souci de concision, à donner ici la description détaillée de ces variations, ou à comparer
bordures et légendes ; nous réservons ces éléments pour une étude ultérieure plus approfondie.
102. Les types où Barbe apparaît accompagnée d’un autre saint n’ont pas été pris en compte ; cependant, même si la pluralité
des personnages contraint à réduire la place accordée à chacun, les images utilisées semblent en partie les mêmes.
103. Nous n’avons fait qu’aborder l’étude stylistique du corpus. L’étude comparative de l’ensemble des matrices devrait à
l’avenir apporter des données précieuses pour comprendre les relations d’imitation, de reprise ou de copie d’un atelier à un
autre, donc de dégager les sources et leur diffusion, mais aussi de définir le style d’ateliers particuliers, leur localisation ou
encore leur production. Peut-être sera-t-il aussi possible de déterminer plus précisément comment opéraient les graveurs, s’ils
travaillaient seuls ou à plusieurs à un même moule, voire de distinguer les mains de maîtres-graveurs et d’apprentis,
autrement dit d’entrevoir l’organisation hiérarchiques des ateliers.
104. Le dépouillement d’inventaires seigneuriaux et la lecture de textes littéraires permettra peut-être de préciser ce point. On
ne trouve aucun exemple clair de bouton-enseigne dans le glossaire de Victor Gay, ni sous la rubrique « enseigne », ni sous la
rubrique « bouton » qui ne rapporte d’ailleurs aucun cas de bouton au motif religieux (ID., Glossaire archéologique du
Moyen Âge et de la Renaissance, 2 vol., Paris, 1887, vol. I, p. 204-205 et 633-636). Comme nous l’avons vu, les boutonsenseignes invitent malgré tout à un croisement des deux champs disciplinaires de l’histoire du costume et des pratiques
religieuses.
105. JohanHUIZINGA, L’automne du Moyen Âge [1re éd. Haarlem, 1919], trad. Julia BASTIN, [précédé d’un entretien avec
J. Le Goff], Paris, 2015 (Petite bibliothèque Payot. Histoire, 6).
Notes de l’annexe
1. Quatre-vingt-neuf moules portent une légende (40 %) qui adopte le plus souvent la forme sancte/a [+ vocatif], parfois
réduite aux initiales, en français ou en latin (39 moules) ; cette formule est parfois accompagnée du nom du sanctuaire (8).
Les prières sont aussi fréquentes : sancte/a (beate/a) [+ vocatif] ora pro me/nobis pour les saints (24) ou O mater Dei
memento mei pour la Vierge Marie (4). Les autres formules sont rares (15). Quel qu’ait été le degré de culture du graveur,
plusieurs de ces légendes ont manifestement été rédigées par un semi-lettré qui connaît les formules latines mais utilise
fréquemment les formes et les prononciations françaises des mots, notamment des noms, qu’il latinise par les désinences
(voir notes ad loc. ; analyses linguistiques : information orale de Gisèle Besson).
2. Cette indication signale qu’aucun bouton-enseigne entier n’est connu pour le type en question. La représentation ne peut
donc pas être décrite dans sa totalité.
3. Aue gratia.
4. Adoramus te, Christe, et benedicimus te. La formule latine semble connue à l’oreille et retranscrite approximativement
(assimilation -mut te et métathèse -mut ste).
5. O mater Dei, memento mei. Même chose pour les types 14, 18, 19. La graphie « memanto » correspond à une
prononciation nasalisée comme en français, sans tenir compte du timbre de la voyelle ; la construction avec accusatif (me)
copie la construction française.
6. De Boulogne. Graphie française normale.
7. Hypothèse émise dans le catalogue de la vente aux enchères du 5 décembre 2014 de la maison 51 Gallery ; l’identification
est possible mais demeure incertaine.
8. Sancte Antoni ora pro me. Sarite témoigne d’une confusion N/RI et de la mauvaise interprétation par le graveur d’une
abréviation du modèle (probablement sacte avec titulus).
9. Le flottement du vocatif (-i ou -e) peut s’expliquer aussi bien par une confusion entre la forme des mots en -us et celle des
mots en -ius que par une confusion avec le français.
10. Attribution incertaine pour la variante 1 mais probable. Il pourrait s’agit d’un autre saint évêque comme Edmond ou
Edme. L’attribution est en revanche assurée pour la variante 2 dont l’iconographie est classique.
11. La graphie rend compte de la prononciation de Franciscus avec simplification du groupe consonantique.
12. Ecce caput sancti Iohannis Baptistae in disco. Le graveur distingue mal les N/V (in disco / iudisco) ; la dentale finale de
caput est tombée, sans doute par simplification du groupe consonantique formé avec le s- du mot suivant.
13. Saint Julien de Vouvantes. Graphie française normale.
14. Sanctus Ludouicus Francorum rex. La finale -on correspond à une prononciation du latin avec finale nasalisée.
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15. Sanctus episcopus Mansuetus.
16. Sancte Quintine ora pro nobis Diex (Saint Quentin, prie pour nous. Dieu !). Cette légende illustre particulièrement bien le
mélange de latin et de français récurrent sur plusieurs modèles. Alors que le reste de l’invocation est en latin, Diex,
équivalent graphique de Dieus, est en français (le latin serait Dex ou Deus). Il ne peut s’agir que d’un cas sujet à comprendre
comme un vocatif correspondant à une exclamation complémentaire de la prière adressée au saint. Cantinne est un vocatif
latin formé sur une base de prononciation et de graphie françaises.
17. Sancte Quirine ora pro nobis.
18. Sanctus Seruesius.
19. Simon est ici habillé en apôtre, ce qui pourrait faire penser au zélote ; la croix qu’il tient laisse cependant peu de place au
doute : il s’agit certainement de Simon de Cyrène, réquisitionné pour porter la croix du Christ.
20. Il pourrait s’agir de Charlemagne, sans certitude. L’iconographie doit être rapprochée de celle de « saint Jacques
Matamore » (information orale de Claudia Rabel).
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